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la puissance de l’empereur des plans suivis, des desseins qui s’enchaînent, nous n’avons pas un seul jour considéré le congrès comme une combinaison sur l’efficacité de laquelle l’empereur pût réellement compter. Pour tout esprit réfléchi et connaissant l’Europe, l’idée qu’un congrès pût être réuni n’a jamais dû être que très problématique. Il y a en Europe les grands et les petits. Certes l’adhésion empressée des petits n’était pas douteuse : les petits savent que les décisions suprêmes ne dépendent point d’eux, et que les résultats de leurs démarches demeurent soumis aux mouvemens des grands états; les petits donc devaient envoyer sans condition leur adhésion au congrès, également sûrs de gagner par là un bon point auprès de la France et de ne rien compromettre quant aux conséquences finales de la combinaison projetée. Le seul concours qui importât était celui des grands. A cet égard, il n’était guère permis d’ignorer combien le caractère tout éventuel d’un expédient de la nature des congrès répugne à la constitution et au tempérament anglais. Comment se serait-on fait illusion sur les dispositions naturelles des autres grands, l’Autriche, la Russie, la Prusse? Pour ce qui les concernait, on devait mettre en doute la réunion même du congrès; cette réunion ne pouvait en effet avoir lieu qu’à des conditions préliminaires. Il fallait fixer d’avance un programme des questions à discuter; ces questions touchant la Russie à l’endroit de la Pologne, l’Autriche à l’endroit de l’Italie, la Russie et l’Autriche n’auraient pu consentir à les soumettre à une délibération générale que par un miracle d’abnégation que rien dans leur attitude et leur conduite n’autorisait à attendre d’elles ; encore eût-il fallu indiquer la forme qu’on entendait donner aux délibérations, dire à qui on entendait accorder voix délibérative; puis il était nécessaire d’annoncer quelle nature de sanction serait attribuée aux décisions du congrès. La majorité des voix ferait-elle loi? Il n’était pas possible d’y compter, à moins de croire que de grandes puissances militaires fussent capables de souscrire des abdications anticipées. La sanction serait-elle demandée à la force des armes? Mais on ne se lie pas plus par des blancs seings à la guerre qu’à des renonciations pacifiques. Pouvait-on aller au congrès sans avoir établi d’avance une sanction? Mais alors c’était s’associer à une grande manifestation qui aurait tout agité, tout remué, et qui n’aurait pas eu d’issue. C’était tenter avec apparat une démarche frappée d’avance de stérilité ; c’était se donner l’air d’entreprendre beaucoup pour ne rien faire en réalité. Ces questions préliminaires devaient en tout cas être discutées et résolues avant l’ouverture des délibérations pratiques du congrès; elles auraient pu se traiter ou par voie de correspondance diplomatique avant que les souverains et leurs ministres prissent le chemin de Paris, ou par discussion verbale à Paris même, une fois les princes et les diplomates arrivés. La nature de ces questions est telle que dans les deux cas la conclusion eût été la même : l’impossibilité du congrès. En admettant que l’esprit businesslike du cabinet anglais n’eût point