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et savante, telles sont les qualités qui, dans cette peinture, vous frappent dès l’abord. Si en quelques parties elle semble inachevée et presque à l’état d’ébauche, dans tout le reste elle touche à la perfection, et, pour tout dire, elle est de premier ordre. Ce sont principalement les têtes où se révèle le grand talent du peintre, ce qui permet de supposer que d’ordinaire et par prédilection il était peintre de portraits. Ces têtes sont vivantes, étudiées dans les plus fins détails, et néanmoins sans l’ombre de sécheresse. Celle de Diane nous paraît un chef-d’œuvre. Rien de plus suave et de plus transparent que cette blonde carnation, rien de plus gracieux que ces cheveux, ces bijoux, ces élégantes nattes qu’une gaze légère rattache en se jouant. L’arrangement de cette coiffure ne saurait être plus exquis, et le rendu en est incomparable.

A la gauche de Diane, et presque sur le même plan, cette femme qui se retourne et la regarde fait avec elle le plus parfait contraste. Elle est chastement vêtue; sa mante verte lui vient presque au menton; rien de voluptueux dans sa pose, point de paupières baissées, un regard vif et limpide, des traits fins et intelligens, figure toute française dont on voudrait savoir le nom, et d’une expression pénétrante qui se grave dans le souvenir. Un peu plus bas, cette personne déjà plus mûre, qui présente l’enfant et fait un peu l’office de nourrice, a moins de charme, moins de grâce, mais quelle physionomie! quel type individuel! et comme ces traits un peu bizarres et anguleux sont franchement accusés et exprimés avec bonheur ! Quant à l’autre figure qui occupe le premier plan, à la droite de Diane, le dos tourné au spectateur, elle est d’un caractère ; tout à fait différent et tranche sur tout l’entourage; elle vise à l’ampleur, au style, à l’effet : beauté presque virile, un peu déclamatoire, dans le goût des écoles d’Italie, le goût alors dominant. Viennent enfin à l’autre extrémité du tableau, à la droite du spectateur, deux jeunes femmes plus calmes, plus modestes, moins dramatiques, plus rêveuses, l’une blonde, l’autre brune, et agréables à qui mieux mieux. Mais de toutes ces figures, celle qui nous plaît et nous séduit le plus, celle qui donne à la composition le cachet le plus original, c’est une jeune fille de dix-huit ans à peine, debout, dominant tout le groupe de ces femmes assises, et regardant ce qui se passe avec des yeux pleins de malice et un mouvement de lèvres légèrement moqueur. La souplesse, l’esprit, le charme de cette jeune fille, aucun mot n’en peut donner idée. Si elle n’avait pas trois ou quatre ans de trop, ce serait Marie Stuart en personne. Qui peut-elle être? Nous l’ignorons; mais dans cette figure et même dans son costume il y a des finesses de ton, des grâces de couleur qui font déjà pressentir les plus charmans caprices de nos maîtres du dernier siècle. Watteau