Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 48.djvu/730

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’aîné, et chez le plus jeune un certain air violent et tapageur, un air de Néron enfant, permettent de supposer que ce sont bien ces deux princes, et qu’ils sont là, eux aussi, pour faire acte d’obédience.

On peut même aller encore plus loin et se demander si dans le fond du tableau, à droite, cette femme debout, la seule qui n’ait pas l’air de faire sa cour à la grande dame en manteau bleu, et qui, par son expression pensive et presque distraite, reste comme étrangère aux hommages qui lui sont rendus, ne serait pas la reine, la mère du nouveau-né, Catherine elle-même. Nous ne voulons rien affirmer, parce que les portraits de la reine-mère, avant son veuvage, sont trop rares et d’une authenticité trop douteuse pour qu’on puisse en tirer des termes de comparaison. Cette robe de couleur, cette coiffure encore jeune, déroutent nos souvenirs; le costume est d’ailleurs bien simple pour une reine, et comment retrouver sous ces traits agréables, mais sans accent, sans énergie, la Catherine que nous connaissons tous? Certains visages, il est vrai, se transforment en vieillissant, et celui-ci, à le bien regarder, pourrait être du nombre. On sent qu’un jour ou l’autre, par d’insensibles altérations, il se rapprochera du modèle auquel en ce moment il ressemble si peu. Rien ne défend donc de croire, matériellement parlant, que cette femme soit Catherine; mais Catherine en un tel lieu ! est-ce possible? est-ce croyable? La légitime épouse venant faire chez la concubine ses relevailles en quelque sorte et acceptant pour son fils cet insolent patronage, c’est un degré de mortification qui parait trop invraisemblable. Et pourtant la vie entière de Catherine, tant que vécut son époux, n’est-elle pas remplie d’avanies de ce genre ? Et ne savons-nous pas qu’elle les dévorait en silence, étouffant sa colère sous un masque de résignation ?

Après tout, qu’on fasse bon marché de notre conjecture, nous ne demandons pas mieux; qu’on en propose une meilleure, nous sommes prêt à l’adopter. L’explication du sujet n’est ici qu’un point très secondaire. Cette explication, quelle qu’elle soit, n’infirmera jamais ce fait incontestable que Diane de Poitiers est l’héroïne du tableau, et que parmi ces femmes il en est deux qui portent des bracelets où sont gravés des H et des doubles C adossés, chiffre officiel qui équivaut à une date et ne laisse de choix qu’entre les douze années du règne de Henri II. Ceci posé, deux questions seulement valent qu’on s’en occupe ; ces deux questions sont celles-ci : quelle est la valeur de l’œuvre ? quel peut en être l’auteur?

La première est bientôt résolue. Il suffit d’un regard pour reconnaître la main d’un maître et d’un maître éminent. Touche fine et serrée, modelé délicat, pinceau souple et précis, couleur harmonieuse