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son arrivée, le général Forey faisait tout simplement disparaître le gouvernement d’Almonte et ne le reconnaissait plus, ajoutant dans ses conversations que nul n’avait reçu le mandat de se constituer en chef suprême de la nation, et que le camp français était ouvert à tous les Mexicains, auxquels il donnait rendez-vous à Mexico pour débattre les destinées du pays. La question politique se trouvait ainsi écartée ou ajournée; il ne restait pour le moment que la question militaire, et c’était bien assez.

Comme chef militaire, le général Forey ne pouvait avoir qu’un but, aller planter à Mexico même le drapeau qu’une résistance imprévue avait fait reculer un instant; mais pour arriver à Mexico il fallait d’abord s’emparer de Puebla, et avant même de se présenter de nouveau devant Puebla il fallait se porter à Orizaba, s’organiser, faire passer vingt-cinq mille hommes par des chemins que six mille hommes avaient eu de la peine à parcourir, et qui étaient infestés de partisans, soustraire les bataillons qui se succédaient à la Vera-Cruz aux meurtrières influences de la fièvre jaune, qui décimait l’escadre et sévissait sur tout ce littoral de la terre chaude. Les premiers détachemens qui avaient précédé le général Forey avaient été expédiés aussitôt sur Orizaba; ils atteignirent la Soledad, et là ils trouvèrent le pont du Rio-Jemmapa brûlé par les guérilleros. Sur une rive était une colonne venant de la Vera-Cruz; sur la rive opposée était une autre colonne venant d’Orizaba pour chercher des vivres. Il fallut trois jours pour rétablir les communications. Il ne suffisait pas d’amener l’armée tout entière à Orizaba, il fallait faire arriver tous les moyens de guerre, un matériel considérable, une artillerie embarrassante; il fallait approvisionner le corps expéditionnaire de munitions, de vivres, maintenir des communications toujours attaquées, accumuler des moyens de transport sans lesquels on ne pouvait rien. Dès son débarquement à la Vera-Cruz, le général Forey était en quelque sorte saisi par cette question des transports, la première de toutes pour une armée au Mexique, où la condition est de pouvoir marcher. Un matériel de transport fut acheté aux États-Unis et expédié. Une partie put arriver, l’autre partie fut arrêtée par le gouvernement américain. Quand on avait des voitures, c’étaient les attelages qui manquaient. La difficulté était de trouver des mules dans le pays même au prix des plus grands efforts. C’était là, en réalité, l’objet d’une première occupation du port de Tampico à cette époque, occupation qui aurait eu bientôt de l’importance, si on avait pu la maintenir, pour surveiller cette partie du Mexique jusqu’à la province de San-Luis de Potosi, mais qui, dans la pensée du général Forey, n’était destinée qu’à protéger un achat considérable de mules. Un officier mexicain, le