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des radicaux mexicains; il y avait aussi une passion assez sérieuse exaltée par le souvenir du 5 mai, et qui se croyait assez forte pour attendre l’orage.

C’est dans ces conditions qu’arrivait devant la Vera-Cruz, vers la fin de septembre et au mois d’octobre, une armée nouvelle ayant à sa tête le général Forey, envoyé par la France aussitôt que le mouvement de retraite de nos soldats et l’impossibilité d’aller plus loin avaient été connus. Je ferai remarquer que c’était le troisième contingent envoyé par la France, que cette expédition avait déjà dévoré deux chefs, l’amiral Jurien de La Gravière, qui, après avoir dirigé les premiers pas de l’intervention, après s’être vu désavoué pour n’avoir pas fait ce qu’il ne pouvait pas faire, venait en ce moment même reprendre avec autant d’abnégation que de dignité le simple commandement de l’escadre dans le golfe du Mexique, et le général de Lorencez, qui, après avoir voulu marcher et ne l’avoir pas pu, venait de passer quatre mois au milieu des épreuves d’une pénible immobilité. L’un et l’autre n’étaient coupables que de s’être trouvés jetés dans des circonstances que la politique n’avait pas suffisamment mesurées. Le troisième chef arrivait avec des forces qui devaient être d’abord de vingt-quatre mille soldats et qui se sont élevées bientôt jusqu’à trente-cinq mille hommes. La mission du général Forey était tout à la fois politique et militaire; elle semblait avoir pour objet de rectifier jusqu’à un certain point quelques-unes des erreurs de direction d’une entreprise obscurcie de fatalités imprévues, de nous dégager notamment de toute solidarité avec un parti, avec cette ombre de gouvernement dont le général Almonte s’était fait le chef, et que nous paraissions traîner dans notre matériel. Les instructions données le 3 juillet au général Forey révélaient cette pensée de relever le caractère de l’intervention et d’ouvrir aux Mexicains une voie d’équité impartiale et protectrice. « Voici la ligne de conduite que vous avez à suivre, disaient les instructions impériales : 1° faire à votre arrivée une proclamation dont les idées principales vous seront indiquées; 2° accueillir avec la plus grande bienveillance tous les Mexicains qui s’offriront à vous ; 3° n’épouser la querelle d’aucun parti, déclarer que tout est provisoire tant que la nation mexicaine ne se sera pas prononcée ; montrer une grande déférence pour la religion, mais rassurer en même temps les détenteurs de biens nationaux... Le but à atteindre n’est pas d’imposer aux Mexicains une forme de gouvernement qui leur serait antipathique, mais de les aider dans leurs efforts pour établir, selon leur volonté, un gouvernement qui ait des chances de stabilité et puisse assurer à la France le redressement des griefs dont elle a à se plaindre. » C’est pour se conformer à ce programme que, dès