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absolument une force pour nous, qui nous créait au contraire plus d’embarras qu’il ne nous offrait d’avantages et de moyens de succès ; il grandissait enfin le pouvoir moral de M. Juarez et de son gouvernement en leur donnant le prestige momentané d’une victoire imprévue, en exaltant l’instinct de résistance et en refroidissant où en réduisant au silence ceux qui n’attendaient qu’un succès de l’intervention française pour se tourner vers elle. On était alors à la fin de mai, et il y avait au moins quatre ou cinq mois à passer au Mexique dans ces conditions, qui pouvaient en certains momens devenir difficiles, si ce n’est périlleuses.

Certes la difficulté n’était point précisément de se maintenir à Orizaba à l’abri de toute insulte. Si la petite armée qui venait de s’arrêter devant Puebla était insuffisante pour pousser sa marche offensive jusqu’à Mexico, elle avait tout ce qu’il fallait de vigueur et de résolution pour opposer à toute agression une fière défense. Rien ne le prouvait mieux que ce qui arrivait peu après. Le général Zaragoza, le vainqueur de Puebla, tout fier de son succès, ne songeait à rien moins qu’à cerner et à prendre le corps expéditionnaire français; il eut même la fatuité singulière de sommer avant l’action le général de Lorencez de se rendre. Ses dispositions n’étaient point mal prises. Tandis qu’il devait attaquer Orizaba d’un côté le 14 juin, le général Gonzalez Ortega devait s’emparer du Cerro del Borrego, qui domine la ville et que les chefs de l’armée française avaient négligé d’occuper. Dès la veille de l’attaque, le général Ortega était en effet maître des positions qui lui avaient été désignées. Malheureusement pour lui, le déloger de là fut l’affaire d’une compagnie française qui, sous la direction d’un intrépide officier, le capitaine Détrie, gravissait pendant la nuit cette montagne escarpée, trouvait l’armée mexicaine endormie, la dispersait, et restait à son tour maîtresse de ces formidables hauteurs après un combat acharné livré dans l’obscurité, au milieu des cris que poussait le général Ortega pour rallier ses soldats. Zaragoza n’eut point envie de pousser plus loin son siège d’Orizaba, et l’armée mexicaine disparut, dégoûtée de toute tentative nouvelle.

Le danger le plus redoutable n’était donc point dans une attaque contre laquelle on était toujours en garde; la difficulté la plus sérieuse était de vivre matériellement. Lorsque le petit corps expéditionnaire conduit par l’amiral Jurien de La Gravière arrivait pour la première fois à Orizaba et à Tehuacan à la faveur de la convention de la Soledad, on était en paix, on pouvait s’approvisionner dans le pays. Depuis que la guerre était ouverte, le premier soin de l’armée mexicaine était de faire le vide autour du camp français, de ne laisser rien arriver, de chasser même