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toujours laissées en jouissance de la pleine franchise qui leur est garantie. A Montpellier, le manifeste d’un candidat a été retenu au parquet et mis sous le coup de la saisie, parce qu’il renfermait la citation de différens articles de la loi électorale, notamment de ceux qui punissent les fonctionnaires d’une peine double, s’ils en violent les dispositions tutélaires. Cette circulaire, qui paraissait sans doute incommode, a été considérée comme une instruction électorale déguisée sous les apparences d’une profession de foi, et soumise dès lors à la condition rigoureuse ides écrits qui ne peuvent circuler qu’avec la permission privilégiée du préfet. Ailleurs l’autorité préfectorale n’a ténu aucun compte des sauf-conduits donnés au candidat par l’autorité judiciaire, et dans Seine-et-Oise les affiches qui faisaient connaître la recommandation d’une candidature par les électeurs de la circonscription, après avoir été munies d’un laisser-passer par les procureurs impériaux, ont été enlevées par ordre administratif. Une jurisprudence aussi peu rassurante, que le corps législatif laisse prévaloir malgré les réclamations courageusement opposées, donne la prise la plus inquiétante sur le droit de publication des candidats, qui peu à peu deviendra une faveur tantôt étendue, tantôt resserrée. D’un côté, ce sera d’une arme à demi brisée qu’il faudra peut-être se contenter, tandis que de l’autre l’usage de tout un attirail de guerre pourra être autorisé.

Les opérations électorales, quoiqu’elles soient protégées par une réglementation qui est destinée à fermer l’accès aux moindres irrégularités, ont été elles-mêmes le plus souvent atteintes par un flot montant de libertés de tout genre qui ne sont jamais à leur place quand c’est avec la loi qu’elles sont prises. Faites une ouverture aux digues, et aussitôt, malgré tous vos efforts, la mer passe. Eh bien! la digue a été ouverte, et c’est sur le décret réglementaire des élections qu’une expérience qui, nous paraît bien dangereuse a été faite par le gouvernement lui-même. Dans ce décret, qui, on l’a vu, renferme les principales garanties des électeurs et des candidats, la durée du vote est fixée et les heures en sont réglées. Assurément un décret contraire pouvait changer ces dispositions, ainsi que toutes les autres; mais tant qu’elles n’avaient pas été régulièrement modifiées, elles avaient force de loi, et par voie de circulaires ministérielles elles ont été laissées à la discrétion des préfets, qui ont reçu plein pouvoir de faire avancer dans les communes, à partir de cinq heures du matin, l’heure de l’ouverture du scrutin : « interprétation libérale qui défie toutes les mauvaises suppositions, a dit M. le ministre d’état; elle a eu pour but de donner à tous les citoyens une plus grande facilité d’exercer leurs droits. » — « Interprétation arbitraire qui peut autoriser tous les soupçons, a repliqué