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avions nous-mêmes possédées, avait déjà paru prendre les devans; fier de pouvoir presque seul, dans cette foule mélangée des serviteurs du lendemain, se prévaloir de sa fidélité de la veille, il écrivait aux préfets de rechercher le concours de ces hommes honorables et distingués des anciens gouvernemens qui se tenaient encore à l’écart par un sentiment de dignité personnelle, et il recommandait de faire appel à leurs lumières et à leur expérience. « Rappelez-leur, ajoutait-il, que s’il est noble de conserver le culte des souvenirs, il est encore plus noble d’être utile au pays. »

Ces promesses et ces déclarations sont comme le lever de rideau des élections de 1863 : elles semblaient annoncer à la France un spectacle nouveau promis à sa curiosité et destiné à la justifier; mais les gouvernemens, même ceux qui font profession de tourner en mépris le régime des rhéteurs, sont toujours plus-enclins aux paroles qu’aux actes. Électeurs et candidats ont cru qu’ils étaient invités ou au moins autorisés à s’entendre; ils se sont mépris. Le gouvernement a préféré continuer à s’interposer entre eux, et il n’a pas tenu à lui que les élections de 1863 ne ressemblassent à celles de 1852 et de 1857. Prétendant les diriger et mécontent que sa direction ne fût pas reçue partout avec obéissance, il les a considérées comme une bataille à livrer, et il a pris le plus souvent toutes les allures belliqueuses d’un commandant d’armée qui, ne se croyant pas obligé de se tenir sur la défensive, porte l’offensive dans le camp de l’ennemi.

Les élections de 1863 viennent d’être soumises à une grande enquête. La vérification des pouvoirs par le corps législatif, à peine terminée, a clos la série des enseignemens de tout genre qui ressortent des protestations des candidats et des discussions si instructives, mais malheureusement si incomplètes, auxquelles elles ont donné lieu, malgré le talent de leurs rares défenseurs. Les élections de 1863 sont donc à peu près connues, mais il reste à les juger. Il ne s’agit plus de les faire valider ou invalider, de les déclarer régulières ou irrégulières; il faut rechercher ce qu’elles nous apprennent. Le gouvernement s’est-il dessaisi de ses pouvoirs, et s’il les a gardés, comment s’en est-il servi ? Tel est le premier point auquel il convient de s’arrêter. Quelle est l’application qui a été faite des lois existantes? Telle est la seconde question qu’il importe d’éclaircir.


II

Les préparatifs des dernières élections ne permettent pas de prendre le change sur l’importance que le gouvernement attache à la conservation des pouvoirs dont il dispose. C’est par le remaniement