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fixant sur place, comme pour rendre sa puissance plus irrésistible. Dès que le ministre a transmis le nom du candidat du gouvernement aux préfets, les préfets ont aussitôt sous leur main une armée bien disciplinée qui s’ébranle, et qui, au premier signal, occupe toutes les positions. Dans chaque arrondissement, le sous-préfet répète le commandement, et il y a dans chaque commune un maire qui le reçoit pour le communiquer aussitôt à tous ses administrés. Choisis par le souverain ou par les préfets, sans être comme autrefois désignés à leur choix par l’élection préalable de leurs concitoyens, les maires d’aujourd’hui, n’ayant aucun souci à prendre pour faire partie du conseil élu de la commune, sont disposés pour la plupart à ne plus se considérer que comme des fonctionnaires obligés de rendre compte à leurs chefs de la conduite des populations qui leur sont confiées. « La commune m’appartient, disait dernièrement à un candidat l’un de ces magistrats ; je dirige ses actions; un maire est fait pour que la commune ne voie que par ses yeux. » Faut-il ajouter qu’un maire est aidé dans sa tâche par le garde champêtre, d’autant plus redoutable aux habitans des campagnes qu’il peut leur dresser procès-verbal pour la moindre contravention au moindre règlement municipal ? Or, comme les règlemens municipaux, n’étant d’habitude ni imprimés ni affichés, sont à peu près inconnus de ceux qui sont tenus d’y obéir, il est facile de mesurer quelle est la part d’autorité dont le garde champêtre peut disposer.

A côté de ce corps régulier de fonctionnaires, flanqué, comme une armée en marche, d’éclaireurs qui sont dans chaque canton les commissaires de police, il faut tenir compte de toutes les troupes auxiliaires qui sont convoquées, enrégimentées et rangées en bataille. Au premier appel adressé en faveur du candidat du gouvernement, quiconque remplit un service public, si élevées ou si humbles que soient ses fonctions, si étrangères qu’elles doivent être par leur nature aux partis politiques, a son poste assigné pour se mettre en travers de toute autre candidature. Le passage de toutes les routes est ainsi fermé. Malheur à qui ne se montrerait pas bien disposé! Il serait considéré comme ayant passé à l’ennemi, et dans une élection qui est restée célèbre il n’y a pas jusqu’au fossoyeur qui n’ait failli être traité comme un déserteur pour s’être aventuré dans les rangs opposés.

Indépendamment de ces recrues si nombreuses, la centralisation met à la disposition du gouvernement des communes entières en lui permettant de satisfaire leurs besoins à l’aide des ressources du budget dont il peut faire usage. Dans d’autres pays, qui se sont, dispensés de multiplier les révolutions, cette répartition est laissée à l’appréciation des assemblées locales en France, où tous les essais