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convoqués pour choisir un député qui sera chargé de prendre part à la direction des affaires du pays. Toutes les formalités de la procédure ont été sagement prévues et réglées. Est-ce assez? Non, la cause vaut encore la peine d’être instruite; sans contredit, les juges sont nombreux, mais qu’importe leur nombre? Si la presse est obligée de se taire, les pièces manquent, et s’il n’y a pas un laisser-passer pour les réunions, l’audition des parties fait défaut. Les élections pourraient ainsi finir par ressembler à un choix qui, fût-il raisonné, serait fait au milieu des ténèbres de la nuit. A coup sûr, la nuit qui oblige les combattans à se séparer aurait l’avantage de pacifier l’élection; mais quand il s’agit de se rencontrer sur le terrain où la loi elle-même appelle les électeurs et les candidats, ne serait-il pas permis de dire comme Ajax à la divinité qui, cachée derrière un nuage, se dérobait à la lutte : Rends-nous le soleil et allons combattre?

La lumière la plus éclatante est donc nécessaire pour percer des ombres si épaisses, et pour dissiper cette obscurité il est fait usage dans chaque circonscription électorale d’un système destiné à mettre tous les électeurs d’accord, la recommandation publique des candidats par le gouvernement de l’empereur. Le suffrage universel a besoin d’être dirigé, et c’est le gouvernement qui se charge de cette direction. Tel est le ressort qui met en mouvement cette grande machine et qui est muni de tous les rouages les mieux façonnés pour en assurer le jeu. Les électeurs sont dispensés d’y mettre la main. « Le gouvernement, déclare l’un des préfets de l’empire dans un discours heureusement recueilli, remplit pour ainsi dire l’office des réunions préparatoires, imaginées par les électeurs sous le dernier gouvernement pour suppléer à la direction qui leur manquait. Aujourd’hui nous autres administrateurs désintéressés dans la question, et qui ne représentons en définitive que la collection de vos intérêts, nous examinons, nous apprécions, nous jugeons les candidatures qui se produisent, et après un mûr examen, avec l’agrément du gouvernement de l’empereur, nous vous présentons celle qui nous paraît la meilleure, non pas comme le résultat de notre volonté et encore moins d’un caprice, mais comme l’expression de vos propres suffrages et la manifestation de vos sympathies. » Tout commentaire nuirait à une telle harangue, et cette franche déclaration donne en raccourci le tableau le plus fidèle des opérations électorales, telles qu’elles se passent pour la plupart depuis onze ans. Le premier résultat de cette désignation, c’est l’inégalité pour ne pas dire l’illégalité de la lutte. Autrefois, sous la restauration et sous le gouvernement de 1830, d’après la théorie développée par un étrange interprète du droit constitutionnel, M. Proudhon, le