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moins solennels de 1857, on devait pouvoir invoquer des considérations bien impérieuses. Les divers exposés des motifs (car il y en eut un par compagnie) s’appliquent tout naturellement à les faire ressortir. Singulière circonstance cependant, quoique ces exposés soient rédigés avec un soin remarquable, la cause principale du changement, la cause vraiment déterminante ne s’y trouve indiquée que sur le second plan. Dans la discussion, au contraire si courte, si précipitée qu’elle ait été à la veille de la clôture de la session, il y eut une véritable interversion : ce qui était secondaire devint principal, et ce qu’on avait présenté comme principal redevint secondaire. Ainsi les raisons auxquelles les exposés de motifs s’arrêtent de préférence, c’est d’une part l’erreur commise en 1859 dans l’estimation des travaux, erreur qui laissait le chiffre fort au-dessous de la dépense effective ; c’est d’autre part l’influence de circonstances imprévues qui auraient dérangé l’état économique du pays.

Par rapport à l’excédant des dépenses sur les évaluations, il est bien clair, pouvait-on dire, que, s’il suffit de pareils faux calculs pour faire modifier périodiquement et sur toute la ligne les conventions intervenues, il n’y a plus de contrat, ou du moins il n’y a plus que des contrats provisoires. Actes de pure forme et tout au plus bases préparées pour des arrangemens ultérieurs, telle serait désormais la nature des traités. J’entends bien que les conventions passées entre l’état et les compagnies ne sont pas incommutables, et que l’accord des parties qui les ont conclues peut naturellement les annuler. Seulement ce droit de faire et de défaire, c’est le droit absolu. Pour en juger la trop fréquente application, on n’a qu’à se demander ce qu’on penserait dans la vie ordinaire de simples particuliers qui reviendraient ainsi sans cesse sur les engagemens contractés. Notez que ce sont les compagnies elles-mêmes qui évaluent les dépenses, sauf, bien entendu, examen du gouvernement, dont l’intérêt n’est pas du reste compromis par une erreur à ce moment-là, puisque tous les paiemens doivent être précédés, suivant la loi, des vérifications les plus minutieuses et les plus rassurantes. Dire que les estimations proviennent des compagnies, ou autrement des ingénieurs éminens qu’elles se sont attachés, c’est dire qu’elles sont l’œuvre d’hommes fort expérimentés et dont la compétence en matière de construction de chemin de fer est justement renommée dans toute l’Europe. Cependant, avec un système de périodiques révisions, l’expérience la plus consommée deviendrait chose superflue. Nous ne prétendons pas qu’on céderait alors à la tentation d’amoindrir les chiffres en vue de faciliter le vote des dispositions financières. Il est évident du moins que rien ne serait plus propre à pousser dans un tel sens que la commune habitude de rompre ce qui avait été conclu et d’entreprendre à courts intervalles la ré