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dans l’élargissement du faisceau actuel une extrême circonspection, une extrême réserve. Aux yeux de l’observateur le moins porté à s’alarmer, les conventions de 1863, en ce qui touche à l’expansion des lignes, nous ont lancés d’un bond fort avant dans la carrière. Il n’en pouvait guère être autrement : la détermination du troisième réseau se faisait à la veille des élections générales, c’est-à-dire dans un moment où l’on devait tenir à donner tout de suite la satisfaction la plus large possible aux désirs des populations. Le danger n’était pas en une semblable occurrence qu’on se tînt en-deçà de la borne indiquée. C’est ainsi que, sans impliquer un état de stagnation complète peu compatible avec les exigences d’une société aussi active que la nôtre, un temps d’arrêt est devenu nécessaire[1].

En fait de nouvelles concessions et de nouvelles entreprises, il se produit fréquemment d’ailleurs une sorte de mirage contre lequel on ne saurait trop prémunir les intérêts. Qu’on y prenne garde, des chemins décrétés ne sont pas des chemins construits ni même commencés. Si les termes stipulés dans les contrats doivent ensuite être prolongés, comme on l’a vu si souvent, on se trouve dans la même position et peut-être dans une position pire que si les lignes avaient été classées seulement un peu plus tard. Il suffit d’écouter, au sujet des délais, les plaintes qui se répètent à toutes les discussions sur les chemins de fer devant le corps législatif pour apercevoir combien est fréquente l’impossibilité de se renfermer rigoureusement dans les limites tracées. Ces lenteurs tiennent même si bien au fond des choses qu’on- ne saurait le plus souvent les imputer à personne. Les compagnies n’en sont pas responsables à coup sûr, puisque la somme annuelle qu’elles peuvent consacrer à leurs travaux, de même que la répartition qu’elles en doivent faire, est fixée par le gouvernement. Supposons que telle compagnie ait besoin de consacrer 50 millions par an aux lignes qui lui ont été concédées pour les finir dans le temps indiqué, il est bien évident que, si l’administration ne croit pouvoir autoriser le budget que jusqu’à la concurrence de 30 ou de 40 millions, la compagnie aura besoin d’obtenir un délai proportionnel au rabais. Quant au gouvernement, qui ne demanderait pas mieux que d’aller vite, il ne serait

  1. Notons que cette nécessité est reconnue dans le dernier exposé de la situation de l’empire. Un fait montrera du reste combien il importe de contenir l’entraînement. Dans le cours des délibérations sur les conventions de 1863, les commissions du corps législatif enregistrèrent des vœux qui n’allaient à rien moins qu’à doubler presque le fardeau. D’après les calculs apportés à cette occasion par le directeur-général des chemins de fer, M. de Franqueville, dont la compétence en ces matières est si notoire, ces recommandations comprenaient 2,030 kilomètres, exigeant une dépense d’au moins 646 millions, dont la moitié certainement aurait dû être fournie par des subventions.