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rieur, et qui a lieu vers le nord et le nord-est, sauf une imperceptible fraction s’en allant du côté de Cette et du sud-ouest[1]. Nouvelles lignes, nouvelles gares, nouveaux règlemens, tout correspondait aux besoins locaux. À l’aide de chiffres précis et de faits positifs, la chambre de commerce ramenait en outre à ses proportions réelles la question du transit par le détroit de Gibraltar. Le raisonnement revêt ici une rigueur mathématique ; tout le mécanisme du système est décomposé, et par des mains familières avec les comptes de ce genre. Des calculs s’appliquant à la navigation à vapeur et à la navigation à voile prouvent que le passage à travers la France, avec les frais de débarquement à Marseille et à Bordeaux, serait plus coûteux que le trajet direct par mer des régions orientales aux ports de la Grande-Bretagne[2]. En prenant pour base les prix du trajet tels qu’ils étaient indiqués entre Marseille et Londres ou Liverpool par la compagnie du Midi elle-même, la chambre arrivait à cette conclusion, qu’il ne resterait pour rétribuer ce transport que de 12 à 16 francs par tonne, quand il en aurait fallu 40, et à tout le moins 32. Aussi disait-elle en forme de conclusion avec une ironie visible : « Les espérances mises en avant au sujet du détournement possible sur le réseau du Midi du transit international nous paraissent avoir été fondées sur des appréciations faites de trop haut ou de trop loin. » Certains passages de la délibération étaient peut-être plus faciles à contester, ceux par exemple qui avaient trait à la navigation sur le Rhône et à l’intégrité des réseaux concédés par l’état. Ici les nuances semblaient un peu forcées ; mais ce tribut payé à la situation respective des deux compagnies dans le présent antagonisme n’altérait pas l’autorité d’un document émané d’un corps dont la compétence demeurait incontestable.

Élucidée par tant de recherches, fouillée par tant d’études, la question était désormais mûre pour recevoir une solution dont les termes étaient indiqués d’avance. Les propositions faites en dernier lieu par la Méditerranée sont, pour ainsi dire, passées textuellement dans la transaction intervenue sous les auspices de l’état et consacrée par la loi[3]. Ainsi se trouvent admises les offres relatives au mode de tarification, au compte des kilomètres, au service des trains

  1. Sur 1,239,000 francs formant le chiffre du mouvement commercial du chemin de fer pour Marseille, 1,195,000 avaient suivi la direction du nord, et 44,000 seulement la direction de Cette durant la précédente année.
  2. Il existe des lignes de bateaux à vapeur entre l’Angleterre et Alexandrie, Smyrne, Constantinople et même Trieste, qui portent sur ces places les produits des manufactures britanniques, et qui, pour avoir une charge de retour, font descendre au besoin leurs tarifs au-dessous même des prix de la navigation à voile.
  3. Exceptons, en fait de voies nouvelles, le chemin de Rhodez à Milhau, concédé à la compagnie du Midi en même temps que celui de Milhau à Montpellier par Sainte-Affrique, et devant former plus tard un tronc commun, si la voie attribuée aujourd’hui à la compagnie de Lyon jusqu’au Vigan se poursuit un jour jusqu’à Milhau. Peut-être, si l’on doit en venir à cet arrangement d’un tronc commun de Milhau à Rhodez, eùt-il mieux valu s’arrêter tout de suite à une idée émise dans le débat et qui fut même l’objet de certains pourparlers, l’idée de concéder à la compagnie d’Orléans le prolongement de ses lignes jusqu’à Milhau. — Notons encore que le Midi a obtenu le droit d’établir à Marseille, pour les marchandises à destination de son réseau, une gare spéciale se raccordant avec les gares de l’autre compagnie ; mais à notre avis c’est là une satisfaction dont le Midi fera bien de ne pas user, car il est vraisemblable qu’il attendrait longtemps avant d’y trouver la compensation de ses avances.