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clat que nous ne connaissions plus depuis longtemps en ces matières. L’enquête prescrite dans les régions méridionales a eu un retentissement tout à fait inaccoutumé. Tous les élémens en ont été recueillis par la presse périodique et répandus à tous les coins de l’horizon. L’active controverse qui s’en est emparée n’a laissé aucun intérêt dans l’ombre, aucun germe fécond dans l’oubli. Ce n’est pas ainsi qu’on a procédé quand il s’est agi de réviser les anciens contrats ou d’arrêter des conventions nouvelles. La discussion n’a plus exercé ici la même influence ; la publicité s’est presque entièrement renfermée dans le cercle des procédures ordinaires en matière d’expropriation forcée pour cause d’utilité publique. Juger les deux systèmes à l’œuvre et par leurs résultats, ce ne sera pas seulement retracer tout un côté de la vie morale des chemins de fer français dans un des plus curieux épisodes de leur histoire ; ce sera montrer aussi la nécessité du contrôle de l’opinion dans des affaires où sont engagés des intérêts si précieux.


I

Dans ses données générales, le système de nos chemins de fer a été conçu en vue de prévenir la lutte entre les grands réseaux. Les fusions d’où sont sortis les groupes actuels, et qui ont donné naissance à ces associations puissantes chargées de sillonner chacune un côté du territoire, avaient singulièrement réduit les chances d’invasion réciproque, ou même de ces guerres à coups de tarifs si fréquentes chez nos voisins d’outre-Manche et en définitive si ruineuses. Maintes fois, lorsqu’elles acceptaient plus ou moins volontairement telle ligne insignifiante ou onéreuse pour elles, les compagnies n’avaient d’autre but, suivant leur propre aveu, que d’assurer la garde de leurs frontières et l’autonomie de leur exploitation. Si l’on entend ces précautions en un sens pratique, n’ayant dès lors rien d’absolu, et laissant intacte la prérogative de l’état quant aux concessions futures, on peut dire que le but a été généralement atteint. Or il n’y a point d’autre manière d’interpréter le programme. On ne devait pas compter sur une paix générale et éternelle. Jamais le parallélisme entre les groupes ne pouvait être assez prolongé pour garantir un isolement absolu. Ne suffisait-il pas d’ailleurs que tels réseaux fussent contigus les uns aux autres, que certains de leurs embranchemens aboutissent au même point, ou pussent, à l’aide d’habiles évolutions dans les tarifs, desservir les mêmes localités, pour qu’il en résultât quelques occasions de froissement et quelques sujets de contestation ? Dans les limites où ils peuvent se produire, les efforts divergens, les prétentions réciproques des compagnies,