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il y en a pour toute chose et pour tout le monde. Il y a des congrès pour les médecins et les jurisconsultes, des congrès pour la statistique et les sciences naturelles, des congrès enfin pour les sciences sociales. Cette mode n’est point faite pour rendre les congrès politiques moins acceptables au public ; mais peut-être la facilité avec laquelle foisonnent les congrès scientifiques fait-elle trop oublier au public les difficultés particulières que rencontrent la formation des congrès diplomatiques et la nature des résultats qu’on peut attendre raisonnablement de ces pompeuses assemblées.

Nous n’avons pas besoin d’être quakers, saint-simoniens, humanitaires d’aucune secte, cela va sans dire, pour saluer de nos vœux l’œuvre de restauration du droit public qu’entreprend aujourd’hui l’empereur. On nous prendrait pourtant pour des béats, si, au lieu de discerner les difficultés de cette entreprise, nous nous contentions de rouler les yeux avec componction en égrenant d’une main stupide le chapelet des formules admiratives. Tâchons au moins de savoir ce que nous faisons. La première difficulté que doit rencontrer le projet impérial réside d’abord dans les circonstances où il se présente, circonstances essentiellement différentes de l’ordinaire état de choses qui donne lieu aux congrès. Les congrès jusqu’à présent n’ont été que la conséquence des guerres ; celui que l’empereur veut essayer serait un produit de la paix, et aurait pour objet de prévenir la guerre. Un congrès après la guerre est plus facile à réunir et à conduire qu’un congrès avant la guerre, et cela pour deux raisons. En premier lieu, le congrès qui suit la guerre est nécessité par l’issue même de la guerre ; en second lieu, l’objet et la conduite d’un tel congrès sont tracés et définis par la nature et les résultats de la lutte à laquelle il vient mettre un terme. Avoir pour raison d’être la nécessité, avoir un objet défini par la force impérieuse des événemens, tel est le double caractère de la constitution et de l’œuvre des congrès qui ont été jusqu’à présent connus dans le monde moderne. Les formes du monde politique, dans leurs continuelles variations, sont beaucoup moins soumises à la fantaisie ou à la volonté des individus que ne le croient les esprits superficiels et les âmes vulgaires ; elles se déterminent par des nécessités qui courbent les volontés les plus fortes et qui agissent avec la même puissance que les lois du monde physique. Cette nécessité est le grand ouvrier des affaires humaines. C’est le génie de l’homme d’état de la pressentir et d’y conformer ses combinaisons ; elle est d’un secours décisif pour ceux qui ne la négligent point dans leurs calculs : quand on essaie de s’en passer ou de la violenter, on ne fait rien de positif ou de durable. Ainsi le caractère des congrès connus jusqu’à présent, et qui ont déterminé les phases importantes de l’histoire, est d’avoir été suscités par la force des choses, d’avoir eu une tâche définie par les événemens dont ils venaient régler, légaliser et consacrer les résultats. Ce caractère manque au congrès proposé par l’empereur. Si honnête et si prudente que soit la pensée qui a inspiré le projet