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solutions ; il lui a rappelé qu’elle se ruine en armemens exagérés et qu’elle épuise ses ressources les plus précieuses dans une vaine ostentation de ses forces, qu’en continuant de tels erremens personne ne recueille de la paix la sécurité féconde qu’elle doit engendrer, de la guerre les succès glorieux qu’elle peut promettre ; il lui a remontré que c’est une faute de donner de l’importance à l’esprit subversif des partis extrêmes en supposant par d’étroits calculs aux légitimes aspirations des peuples ; il l’a avertie que la guerre vers laquelle on marche fatalement en s’obstinant à maintenir un passé qui s’écroule est un péril d’autant plus redoutable que les perfectionnemens nés de la civilisation qui a lié les peuples entre eux par la solidarité des intérêts matériels rendraient la guerre plus destructive encore. L’Europe, l’Europe continentale, voulons-nous dire, ne pouvait point ne pas ressentir la vérité poignante de ces paroles. Le mal dont elle a conscience devait prendre à ses yeux une gravité d’autant plus grande qu’il était proclamé, dénoncé par le souverain qui est à la tête de la France, que le langage d’un souverain placé dans une telle situation ne peut, en aucun cas, être le vain bruit d’une déclamation philanthropique, et que ce langage est en lui-même un acte politique qui ne saurait demeurer sans résultats. En effet, l’empereur, en signalant le danger, n’a point hésité à indiquer ce qui dans sa pensée serait le salut. La combinaison préservatrice proposée par lui est un congrès où tous les souverains devraient se rendre, sans système préconçu, sans ambition exclusive, pour établir, même au prix de sacrifices personnels un ordre de choses désormais fondé sur l’intérêt bien compris des princes et des peuples. L’empereur ne se contente donc point de fournir aux gouvernemens étrangers un sujet de méditation ; il leur suggère un mode d’action, et cette suggestion n’est pas sans mettre en jeu leur responsabilité, car, suivant les mots du discours impérial, un refus ferait supposer de secrets projets qui craignent le grand jour.

Une sorte de frémissement européen a d’abord répondu à ce puissant appel. La presse allemande a été pendant quelques jours curieuse à étudier : les journaux de Vienne surtout ont publié, à propos du discours impérial, des appréciations d’une remarquable sagacité. C’est le malheureux privilège de l’Autriche d’être l’état où les difficultés politiques du continent prennent le caractère le plus aigu ; là est le point maladif de l’Europe, et l’on a eu tout de suite à Vienne le pressentiment que les combinaisons qui pourraient sortir du congrès évoqué par la pensée impériale devraient avoir l’Autriche ou comme le plus efficace des auxiliaires, ou comme la victime la plus maltraitée. Les opinions de la presse anglaise n’ont point, en cette circonstance, présenté le même intérêt. L’Angleterre ne croit évidemment point participer aux maux décrits par l’empereur, et le discours de lord Palmerston au banquet du lord-maire fait assez voir qu’elle est loin de s’imaginer qu’elle soit malade ; les inquiétudes, les périls, les douleurs du continent ne l’affectent qu’indirectement, et ne lui inspirent