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de l’Europe, et qui se sont développées d’une manière si remarquable sur les bancs de sable d’Ostende. Néanmoins, par leur incurie et leur avidité, les pêcheurs avaient presque complètement dépeuplé le bassin et ne rencontraient plus que des huîtres isolées, trop peu nombreuses pour faire l’objet d’un commerce lucratif. Depuis que la pêche est interdite pendant la plus grande partie de l’année, la surface des crassats s’est peuplée de nouvelles huîtres, et maintenant il en existe des millions sur le fonds commun réservé aux pêcheurs. L’épargne de ce capital vivant semble tellement nécessaire qu’à la saison de 1864 on ne permettra aux marins de recueillir les huîtres du domaine public que pendant l’espace d’une seule journée.

L’économie bien entendue suffirait seule pour rendre aux huîtrières leur ancienne richesse ; mais, afin de hâter le peuplement du bassin, on, a eu recours à l’importation d’huîtres étrangères. Chargé de la mission d’ensemencer la baie, M. Coste a fait choix, pour l’établissement de son parc modèle, des fonds émergens qui occupent une position très favorable au nord-est de l’île aux Oiseaux, et sur lesquels existaient déjà des colonies d’huîtres de gravette. C’est là qu’il a fait déposer en rangées parallèles, comme sur les plates-bandes d’un verger, des chargemens entiers d’huîtres, prises non-seulement dans les chenaux du bassin où la pêche est interdite, mais aussi sur les bancs de Noirmoutiers, du Morbihan, de Normandie, d’Espagne et d’Angleterre ; il a même reçu de ces huîtres de la Virginie qui pullulent dans les plantations de la Chesapeake, où elles atteignent jusqu’à quinze pouces de longueur, et qui contribuent pour une si forte part à l’alimentation des habitans de Baltimore, de New-York et des autres grandes villes de l’Union américaine[1]. Toutes les mesures indiquées par la théorie et l’expérience ont été prises pour assurer le succès de cette tentative d’acclimatation. On a pavé d’abord les crassats d’un lit de coquilles de toute espèce destinées à servir de reposoir au naissain, c’est-à-dire aux animalcules qui s’échappent par myriades du manteau d’une seule huître mère. Puis, sur toutes les plates-bandes ensemencées, on a placé des appareils collecteurs, grandes caisses en bois de diverses formes, garnies intérieurement de fascines dont les branches arrêtent au passage une grande partie des germes naissans. Plusieurs surveillans sont chargés du service général de l’établissement et de l’entretien des appareils ; en outre l’équipage d’un brick de l’état qui se balance dans la rade, en face d’Arcachon,

  1. Des huîtres de la même espèce se trouvent, dit-on, à l’état fossile dans quelques terrains des environs de Bordeaux.