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soient protégés, comme on s’est complu à le dire, par une sorte de fatalité, il n’est pas un des grands périls publics qui ne trouve sa cause dans une machination intérieure, et pas un crime politique qui ne soit sorti d’un odieux calcul. Qu’on suppose la révolution française assez modérée et assez honnête pour faire toujours profiter ses adversaires du bénéfice de ses propres doctrines, et l’on sera conduit à reconnaître qu’elle aurait triomphé à peu près sans luttes malgré la perturbation profonde apportée par la législation nouvelle; dans les existences et les intérêts. La constituante n’avait-elle pas en trois mois passé le rouleau sur une société vieille de dix siècles. N’avait-elle pas effacé d’un trait de plume toutes les distinctions qui, la veille encore, séparaient les terres comme les personnes; réuni les biens du clergé et des ordres religieux au domaine de l’état, dépouillé la noblesse, par l’abolition de toutes les redevances d’origine féodale, d’une part notable de sa fortune ? N’avait-elle pas transformé le successeur de Louis XIV en fonctionnaire publié en réclamait pour elle-même tous les droits avec tous les honneurs de laj souveraineté? Ce bouleversement, le plus prodigieux qu’ait vu le monde, ne s’était-il pas accompli en moins d’une année en présence de quelques protestations impuissantes et à peine remarquées ? L’étude des événemens démontre que, malgré des irritations fort naturelles au sein des deux premiers ordres dépouillés, cette transformation générale n’aurait déterminé aucune résistance armée, ni rencontré jusque dans ses applications extrêmes aucun obstacle avec lequel il y eût à compter; si, par une éclatante et à jamais funeste dérogation à ses propres doctrines, l’assemblée nationale n’était venue en 1790 se heurter gratuitement et à plaisir contre la barrière des consciences. La constitution civile du clergé, émanée des vieilles haines du jansénisme, accueillie par les philosophes avec une indifférence dédaigneuse, remua jusqu’aux abîmes Un sol qu’avait à peine ébranlé la chute de l’ancienne monarchie. La présence de deux clergés, l’un dépouillé, l’autre spoliateur, provoqua la guerre civile, et de la guerre civile sortit, avec la permanence des fureurs populaires, un appel également permanent à la force. Atteinte la première, la liberté religieuse se redressa dans son indomptable énergie, et la révolution, qui n’avait fait jusque-là que des mécontent sans puissance, se vit enfin en présence d’ennemis en armes, à la grande joie des hommes qui lui souhaitaient de grands périls afin de la provoquer à de grands crimes.

La constituante dut consacrer dès lors la dernière partie de sa carrière à lutter sur presque toute l’étendue du territoire et jusque dans son propre sein contre les insolubles difficultés évoquées par elle-même. L’assemblée législative lui était trop inférieure en talens