Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 48.djvu/476

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’industrie auront rendu les populations plus mobiles et plus faciles à déplacer qu’elles ne le sont aujourd’hui. En devenant le complément nécessaire de la capitale du sud-ouest de la France, Arcachon deviendra aussi, par la force de l’exemple, le rendez-vous principal des contrées environnantes.

Cette ville n’eût-elle pas le privilège d’être le point du littoral le plus rapproché de Bordeaux, qu’un avenir prospère ne lui serait pas moins assuré par les avantages exceptionnels qui la distinguent. Sur toute la plage des landes, de l’embouchure de la Gironde à celle de l’Adour, c’est le seul endroit où l’uniformité générale de la rive soit interrompue par un paysage riant. Une vaste baie d’eau salée, propre aux bains de mer, y déroule à perte de vue sa nappe verte entre des rives d’aspect varié ; de pittoresques monticules couronnés de pins s’élèvent dans l’enceinte même de la ville ; les maisons brillent au milieu de la verdure ; une forêt magnifique embrasse les groupes de maisons dans une ceinture de grands arbres, et s’étend au loin sur les longues croupes et dans les vallons parallèles des dunes. La forêt d’Arcachon et celle de La Teste, qui la continue au sud, offrent des sites d’un aspect saisissant. Sur les hauteurs, les pins à l’écorce moussue se distribuent en quinconces irréguliers, et laissent entrevoir çà et là les vallées lointaines et la mer. Plus fertile, le sol des bas-fonds est presque entièrement caché par une épaisse végétation ; dans les intervalles laissés entre les pins et sous l’ombrage de cette première forêt en croît une seconde, composée de chênes et d’arbousiers ; des houx, des bruyères, des genêts hauts de 5 à 6 mètres, se mêlent à ces arbres et forment des fourrés souvent impénétrables. Ailleurs, principalement sur la lisière orientale des dunes, on voit s’ouvrir de distance en distance de vastes cirques, au fond desquels s’étendent des braous ou marécages, restes d’anciens lacs dont les eaux ont été absorbées par les innombrables racines de la forêt. Le résinier lui-même n’aime pas à s’aventurer dans ces espaces au sol encore spongieux où les arbres des diverses essences se groupent dans la pittoresque harmonie que leur a donnée la nature : des pins énormes, les uns déjà rongés au cœur, les autres encore vivans, penchent au bord des braous leurs troncs âgés de plusieurs siècles, et projettent leurs longues branches dégarnies de feuilles au-dessus de la forêt vierge. En cheminant ainsi à travers les admirables solitudes des grands bois, on peut voyager pendant des lieues et gagner la cime du Truc-de-la-Truque, ou celle des Monts-de-Lascours, qui sont les dunes les plus élevées de l’Europe entière. De ces hauteurs on redescend soit vers l’étang de Cazaux, dont la nappe d’eau transparente couvre des milliers d’hectares, soit vers le rivage de la mer,