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les élémens constituerait les corps tels que nous les connaissons. C’était l’opinion de Lavoisier. Mais voici aujourd’hui que l’être calorique s’évanouit à son tour et se résout en un pur phénomène de mouvement. Le principe de contradiction absolue entre l’être et le phénomène, sur lequel reposait la vieille logique abstraite, cesse d’être applicable aux réalités. Pour la science moderne, aussi bien que pour le langage figuré de nos aïeux, les Aryas et les Hellènes, l’être et le phénomène se confondent dans leur perpétuelle transformation.

Cette impuissance de la logique pure tient à une cause plus générale. Pour raisonner, nous sommes forcés de substituer aux réalités certaines abstractions plus simples, mais dont l’emploi enlève aux conclusions leur rigueur absolue. Telle est la cause qui rend illusoires toutes les déductions des systèmes philosophiques. Malgré leurs prétentions, ils n’ont jamais fait et ils n’ont pu faire autre chose que retrouver, au moyen d’un à priori prétendu, les connaissances de leur temps.

Cependant, si leur méthode doit être abandonnée, en sera-t-il de même des problèmes qu’ils ont abordés ? Faut-il renoncer à toute opinion sur les fins et sur les origines, c’est-à-dire sur la destinée de l’individu, de l’humanité et de l’univers ? Chose étrange ! cette science a été la première qui ait excité la curiosité humaine, et c’est elle aujourd’hui qui a besoin d’être justifiée. L’obstination de l’esprit humain à reproduire ces problèmes prouve qu’ils sont fondés sur des sentimens généraux et innés au cœur humain, sentimens qui doivent être distingués soigneusement des constructions échafaudées à tant de reprises pour les satisfaire. Ils sont donc légitimes en tant que sentimens. Faut-il les chasser du domaine de la science, parce qu’ils ne peuvent être résolus avec certitude, et en abandonner la solution au mysticisme ? Je ne le pense pas.

La méthode véritable de la science idéale résulte clairement des données inscrites dans l’histoire même de la philosophie. Il s’agit de faire maintenant avec méthode et pleine connaissance de cause ce que les systèmes ont fait avec une sorte de dissimulation inconsciente. En un mot, dans ces problèmes comme dans les autres, il faut accepter les conditions de toute connaissance, et, sans prétendre désormais à une certitude illusoire, subordonner la science idéale à la même méthode qui fait le fondement solide de la science positive. Pour construire la science idéale, il n’y a qu’un seul moyen, c’est d’appliquer à la solution des problèmes qu’elle pose tous les ordres de faits que nous pouvons atteindre, avec leurs degrés inégaux de certitude, ou plutôt de probabilité.

Ici chaque science apportera ses résultats les plus généraux. Les