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ture est impossible. Et cependant l’esprit humain est porté par une impérieuse nécessité à affirmer le dernier mot des choses, ou tout au moins à le chercher. C’est cette nécessité qui rend légitimes de semblables tentatives, mais à la condition de leur assigner leur vrai caractère, c’est-à-dire de montrer explicitement quelles sont les données positives sur lesquelles on s’appuie et quelles sont les données hypothétiques que l’on a introduites pour rendre la construction possible. En un mot, il faut bien marquer que l’on procède ici par une tout autre méthode que celle de la vieille métaphysique, et que les solutions auxquelles on arrive, loin d’être les plus certaines dans l’ordre de la connaissance, et celles dont on déduit à priori tout le reste par voie de syllogisme, sont au contraire les plus flottantes. Bref, dans les tentatives qui appartiennent à ce que j’appellerai la science idéale, qu’il s’agisse du monde physique ou du monde moral, il n’y a de probabilité qu’à la condition de s’appuyer sur les mêmes méthodes qui font la force et la certitude de la science positive.



I.


La science positive ne poursuit ni les causes premières ni la fin des choses ; mais elle procède en établissant des faits et en les rattachant les uns aux autres par des relations immédiates. C’est la chaîne de ces relations, chaque jour étendue plus loin par les efforts de l’intelligence humaine, qui constitue la science positive. Il est facile de montrer dans quelques exemples comment, en partant des faits les plus vulgaires, de ceux qui font l’objet de l’observation journalière, la science s’élève, par une suite de pourquoi sans cesse résolus et sans cesse renaissans, jusqu’aux notions générales qui représentent l’explication commune d’un nombre immense de phénomènes.

Commençons par des notions empruntées à l’ordre physique. Pourquoi une torche, une lampe éclairent-elles ? Voilà une question bien simple, qui s’est présentée de tout temps à la curiosité humaine. Nous pouvons répondre aujourd’hui : parce que la torche, en brûlant, dégage des gaz mêlés de particules solides de charbon et portés à une température très élevée. — Cette réponse n’est pas arbitraire ou fondée sur le raisonnement ; elle résulte d’un examen direct du phénomène. En effet, les gaz concourent à former cette colonne brûlante qui s’échappe de la cheminée des lampes ; la chimie peut les recueillir et les analyser dans ses appareils. Le charbon se déposera, si l’on introduit dans la flamme un corps froid. Quant à la haute température des gaz, elle est manifeste, et elle peut être