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roches, on a recours aux divers procédés du lavage. Cette troisième opération est beaucoup plus compliquée que les deux autres. L’eau se montre naturellement le principal agent des travaux ; elle forme çà et là des réservoirs où, mêlée à l’oxyde d’étain qui la colore en rouge, elle se trouve agitée constamment, à l’aide de râteaux, de balais et d’autres instrumens, par la main des femmes.

Une des pratiques les plus intéressantes est celle qu’on appelle framing ou racking. Le rach ou hand-frame présente assez exactement la figure d’un ancien bois de lit tel qu’on en rencontre encore dans les hôpitaux et les casernes. Il se compose d’un cadre ou bordure au fond duquel est une large planche en forme de table placée sur un plan incliné. La poudre de minerai est posée sur ce que j’appellerai la tête du lit ; l’eau coule et entraîne indifféremment avec elle toute cette matière ; l’ouvrière ramène alors l’étain vers le haut de la planche, et le distribue sur la partie supérieure au moyen d’un râteau plat. Le métal finit par rester à cause de sa pesanteur, tandis que l’eau boueuse s’échappe vers le bas par une fente, et tombe dans un réceptacle. Ceci fait, la table tourne sur ses axes, c’est-à-dire sur deux pivots situés à droite et à gauche, puis se renverse de côté : le dépôt de métal qui reste seul alors à la surface est chassé par l’eau dans des boîtes destinées à le recevoir. Les autres appareils, quoique fort nombreux et très divers, sont tous des applications d’une même loi naturelle, la loi de gravité spécifique. L’étain étant le corps le plus lourd de tous ceux qu’on traite dans les ateliers de la mine, la science pratique s’est emparée de cette circonstance pour le recueillir et le dépouiller des matières étrangères.

Il reste au minerai une dernière épreuve à subir, la calcination. On le brûle dans des fours d’où s’échappe une fumée blanche, indice de la présence de l’arsenic. Les murs eux-mêmes distillent le poison ; l’air en est chargé. Des hommes, les habits tout couverts d’une poussière grisâtre si fatale à la vie animale, un mouchoir de poche serré contre les lèvres, passent comme des ombres devant les bouches de la fournaise. Près de la maison où l’on brûle le minerai (burning house), au milieu des vapeurs et des tas d’arsenic, j’ai pourtant vu une belle jeune fille dont les hautes couleurs et l’air de santé florissante semblaient défier ces influences pernicieuses. Après tout, les poisons ont leur valeur ; l’arsenic se recueille avec grand soin et se vend ensuite une livre sterling la tonne. — A l’extrémité des hangars (sheds), je rencontrai enfin un tas de minerai qui était le résultat de tous les travaux précédons, et qui se trouvait suffisamment préparé pour le commerce. Chemin faisant, il avait un peu changé de couleur : de rouge, il était devenu brun par l’action du feu. Il y en avait dans ce tas pour 1,000 livres sterling.