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(machine pour descendre et pour faire monter les hommes), sorte d’escalier mouvant, dont l’excellente invention a pris naissance, il y a quelques années, dans la Société polytechnique de Falmouth. Quiconque désire visiter les noires régions d’une mine, fût-il le prince de Galles lui-même, doit avant tout revêtir les habits de mineur. Ces habits consistent en un pantalon de toile, une veste doublée de grosse flanelle, un serre-tête et un chapeau rond, véritable casque destiné à protéger le crâne contre les pierres et les quartiers de roche qui tombent çà et là des plafonds de la mine. Chaque mineur a dans une chambre commune une grande valise de bois où il serre ses habits de ville, et où il prend, avant d’entrer dans la mine, ses habits de travail. Ainsi accoutré, une lumière fixée sur le rebord de son chapeau dans un morceau d’argile molle, un paquet de chandelles attaché à la boutonnière de sa veste, il s’enfonce et disparaît bientôt dans la bouche du puits. Il descend d’étage en étage jusqu’à ce qu’il ait atteint la veine sur laquelle il travaille. L’intérieur des mines d’étain ou de cuivre présente un aspect lugubre. On y marche, tantôt debout, tantôt courbé, quelquefois même on y rampe, selon l’élévation ou l’écrasement des voûtes. Au fond de ces solitudes, où l’on entend en quelque sorte frémir à ses oreilles le sombre bourdonnement de la nuit, se rencontrent de distance en distance les athlétiques enfans de la Cornouaille dans les attitudes les plus étranges et les plus tourmentées ; on dirait, à la faible lueur des chandelles, les cariatides vivantes de la mine. Au reste, ces lieux sinistres n’ont point du tout pour les mineurs ce caractère d’horreur sépulcrale qui produit une impression si forte de mélancolie sur l’esprit d’un étranger. Ils se plaignent seulement de l’élévation de la température et de l’air stagnant qu’on respire dans certains espaces bas et resserrés. Dans les mines qui s’étendent sous la mer, la chaleur est quelquefois si forte et l’air si comprimé, que les ouvriers se font jeter sur le corps des seaux d’eau pour se rafraîchir et pour être à même de continuer leur travail. Les accidens sont fréquens et terribles ; ils proviennent le plus souvent de la chute des blocs qui se détachent et écrasent les mineurs ; d’autres fois c’est le pied qui glisse le long des fatales échelles, ou bien la poudre qui éclate tout à coup à la face des ouvriers au moment où ils croyaient la charge avortée dans les trous de la roche. À Saint-Just, j’ai rencontré sur les chemins au moins une dizaine de mineurs aveugles ou défigurés. Parmi ces accidens, il en est sans doute d’inévitables ; mais il en est aussi qu’on pourrait aisément prévenir. Déjà quelques réformes utiles ont été introduites dans ces dernières années ; les échelles ont été raccourcies, la situation de ces échelles est moins perpendiculaire, et des plates-formes ont été établies de distance en distance pour que