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meilleures pièces de minerai qu’on tenait en réserve pour la circonstance sont alors rapportées en triomphe du sein de la fosse comme si on venait de tomber sur une nouvelle veine. Les sages se défient et appellent cela dans le langage du pays « arracher les yeux de la mine. »

Dans la chambre du comité, je vis des cartes indiquant à merveille le plan et la structure intérieure d’une mine. Il existe pour tout le district une véritable géographie souterraine ; les arrondissemens et les limites de ces noirs royaumes sont nettement tracés avec l’étendue et la profondeur de chaque mine, le nombre de puits, les noms des filons, lodes, la direction des rues et des galeries qui n’ont jamais vu la lumière du jour. L’intérieur de la terre est partagé tout aussi bien que la surface. Le principe de la loi anglaise est que tout terrain métallique appartient à la couronne, à moins qu’elle n’abandonne ce privilège, comme en Cornouaille, au propriétaire du sol. Avant d’ouvrir une mine, les aventuriers (c’est le nom significatif qu’on donne aux entrepreneurs de ces travaux) ont donc à payer un droit dit de royauté (royalty). Ce droit se paie soit au prince de Galles comme duc de Cornouaille, si le métal qu’on veut poursuivre se trouve sous un terrain vague et inculte, soit, dans le cas contraire, au maître de la propriété dont il s’agit d’attaquer le sous-sol. Le droit de royauté varie beaucoup, selon les circonstances ; mais il consiste généralement en une part convenue sur le minerai qui se découvrira plus tard. Ceci fait, les travaux commencent. Ce qu’on se propose en ouvrant une mine est d’atteindre dans le sein de la terre, c’est-à-dire dans les fentes et les crevasses des rochers, les veines du métal qui en Cornouaille se dirigent vers l’est ou vers l’ouest. Pour cela, on creuse d’abord un puits perpendiculaire à une profondeur d’environ soixante pieds. Alors on pratique des galeries appelées niveaux, levels. Le tracé de ces galeries se trouve déterminé par la direction bien connue des veines ; un groupe de mineurs travaille donc vers l’est tandis qu’un autre fouille vers l’ouest, de manière à former deux tunnels d’une tendance tout opposée. Quand on a ainsi ouvert une centaine de mètres, il se présente un obstacle, le manque d’air. Cet obstacle a été prévu : aussi deux autres troupes d’ouvriers se mettent à l’ouvrage pour creuser de la surface deux autres puits qui iront rejoindre et ventiler les deux premières galeries souterraines. On peut continuer, en vertu de ce système, les niveaux à n’importe quelle longueur, la seule condition étant d’ouvrir une fosse à air de 100 mètres en 100 mètres. Il s’en faut pourtant de beaucoup que les mines puissent s’étendre*indéfiniment ; elles rencontrent, chemin faisant, une limite infranchissable dans la lisière des autres mines environnantes. Ne pouvant s’accroître en longueur, elles doivent alors s’accroître