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de curieux est encore Botallack mine. Sur le livre où les visiteurs écrivent leur nom, je trouvai les signatures du duc d’Àumale, du prince de Joinville et du comte de Paris. On se souvient encore sur les lieux de les avoir vus descendre dans la fosse en habits de mineurs et avec des instrumens de travail, puis sortir tout trempés de boue en rapportant des minerais de cuivre et d’étain qu’ils avaient brisés eux-mêmes. Botallack mine emploie plus de six cents ouvriers, qui travaillent les uns à la surface, les autres dans l’intérieur de la terre, le long d’une côte hérissée de rochers et battue, on pourrait même dire ébranlée, par la fureur des vents et des flots. Dans la nature ainsi que dans les arts, il y a des beautés qui effraient, et tel est le caractère de ces bords de la mer. Au milieu de précipices qui donnent le vertige, c’est un grand spectacle de voir l’homme, cet être faible, fort seulement de la puissance de son cerveau, s’apprêtant à conquérir et à dominer la turbulence aveugle des élémens. Le vent siffle sur sa tête, la terre manque en quelque sorte sous ses pieds, les vagues s’entr’ouvrent à une profondeur immense pour le dévorer : il ne tremble point. Il descend par des sentiers ardus, des escaliers de bois chancelans, des échelles droites et raides. Où va-t-il ? Sous la face des rochers sans doute ? Plus bas, plus bas encore. Il va sous la mer, sous ce grand abîme d’eau dont il entend distinctement rouler au-dessus de sa tête les lourds galets et rugir les tempêtes. Une bande de ces hardis mineurs rencontra un jour dans les galeries sous-marines un beau morceau de cuivre qui n’était que de trois pieds au-dessous de l’eau. Avec ce dédain du péril qui caractérise les hommes de leur profession, ils attaquèrent le plafond de la mine, creusèrent un trou et le tamponnèrent avec du ciment. Quelques-unes des galeries souterraines s’étendent à plus d’un demi-mille au-dessous de la mer. Pour descendre dans ces sombres passages, il a fallu naturellement creuser des fosses le long de la côte, et ces fosses se trouvent recouvertes par des maisons blanches, engine houses (maisons de machines à vapeur), juchées çà et là sur le sommet ou sur les pentes des noirs rochers, dont la surface inégale ressemble à l’écorce rugueuse d’un arbre centenaire[1]. Pour conduire le minerai au sortir de la fosse dans les ateliers de la mine, on a dû en outre construire des galeries de bois avec des tramways où courent de petites voitures. De tels ouvrages jetés sur des abîmes sont bien faits pour confondre l’imagination : comment ont-ils pu s’élever ?

  1. La plus curieuse de ces maisons est encore celle qu’on désigne sous le nom de Crown Engine, et qui a été descendue de la pointe des rochers à deux cents pieds plus bas, sur la face dès écueils, pour permettre aux mineurs de descendre dans les galeries sous-marines.