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Le commerce des villes s’est beaucoup accru, la navigation s’est étendue le long des côtes, l’agriculture a fait dans les campagnes des progrès considérables ; mais tout cela ne représente encore que la moindre partie des richesses de la Cornouaille. Ses champs de travail les plus productifs, ses moissons les plus abondantes reposent dans les entrailles de la terre et quelquefois même sous le lit de l’Océan.


II

La Cornouaille est la terre des métaux. Le plomb, le fer, le cobalt, le bismuth, l’uranium, s’y trouvent en plus ou moins grande quantité. Près de Lostwithiel, j’ai visité, sur une colline d’où la vue embrasse un horizon de verdure et un panorama de vallées brusquement soulevées çà et là par des mouvemens de terrain, une mine d’argent mêlé au cuivre et à l’antimoine. Après le désastre d’une première compagnie, cette mine a été reprise, il y a trois ans, par une nouvelle société. Une machine à vapeur pour pomper les eaux a été appliquée aux travaux souterrains. Or il est arrivé plus d’une fois que des mines qui ne valaient rien sont devenues bonnes par l’intervention des forces supérieures dont dispose aujourd’hui l’industrie. Celle-ci donne à présent 20 tonnes de minerai par mois, et la valeur de chaque tonne est estimée à 10 livres sterling. L’argent s’extrait aussi, et même en plus grande quantité, des mines de plomb. J’ai vu chez M. Fox une large théière d’argent qui avait été coulée avec un lingot de la Cornouaille. Ce qui caractérise néanmoins la minéralogie du comté est la présence du cuivre et surtout de l’étain.

L’abondance de ces deux derniers métaux a favorisé en Cornouaille, depuis un temps immémorial, le développement de l’industrie des mines. Diodore de Sicile dit que les anciens Bretons chargeaient l’étain sur des bateaux d’osier recouverts de cuir et le conduisaient ainsi vers l’île d’Ictis. Quelle est maintenant cette Ictis ? On a cru la reconnaître dans le Mont-Saint-Michel, Saint Michael’s mount, une île quand la marée est haute et une presqu’île lorsque les eaux se retirent[1]. L’historien Timée, qui vivait du temps de Pline, nous apprend aussi que ces mêmes Bretons arrachaient l’étain du sein des rochers et le transportaient sur des chariots, à la marée basse, dans les îles voisines. Une de ces îles, outre celle du Mont-Saint-Michel, était sans doute Looe island, située

  1. On a souvent confondu dans l’histoire le Mont-Saint-Michel de la Cornouaille avec notre Mont-Saint-Michel, près de Saint-Malo. Tous les deux sont alternativement séparés du rivage ou rejoints à la côte par les mouvemens de la mer, tous les deux ont été un couvent ; mais, plus heureux que le nôtre, le Saint-Michel des Anglais n’a jamais été une prison.