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de la Grande-Bretagne. Quelle est donc la principale cause de ces phénomènes de température que j’ai pu aussi remarquer à Carclew, dans les magnifiques jardins de sir Charles Lemon ? Cette côte de la Cornouaille se trouve réchauffée durant l’hiver par un courant sous-marin qui lui vient du golfe du Mexique, gulf-stream.

Il ne faudrait pourtant point, sur la foi des fleurs, exagérer le caractère méridional de la Cornouaille. Les plantes des tropiques y croissent sur une terre qui, après tout, n’a rien de tropical. Tout le secret de cette végétation acclimatée consiste dans l’absence de l’hiver, ou du moins dans un hiver dépouillé de toutes ses rigueurs. Durant cette saison-là, la mer est de quatre à cinq degrés plus chaude que la terre, et le peu de neige qui tombe quelquefois fond aussitôt sur les côtes. La Noël, si célèbre dans les autres comtés de la Grande-Bretagne pour sa couronne de frimas, apparaît au contraire le long des chemins creux et tièdes de la côte occidentale au milieu d’une véritable fête de la nature à laquelle il ne manque que le feuillage des arbres. Cette partie de la Cornouaille est par conséquent, on le devine, celle où se rencontrent au printemps les premières traces de végétation et où les fleurs sortent tout d’abord de leur sommeil d’hiver. D’après les observations que j’ai recueillies à Falmouth, à Polperro et à Penzance, la saison se montre alors plus avancée de quelques semaines que dans le nord de l’Italie : elle répond en général à celle de Naples. Cet avantage persiste jusqu’à la fin de mars : en avril, les conditions se trouvent à peu près égales ; mais dans les mois suivans la Cornouaille perd ce qu’elle avait gagné, et la supériorité tourne décidément en faveur des pays chauds. Il résulte de cette échelle comparative des climats que la côte sud-ouest de la Cornouaille est un des endroits du monde où il y a le moins de différence entre l’hiver et l’été. La mer exerce sur elle en un mot ce pouvoir d’égalité entre les saisons qui est souvent un des caractères de son commerce avec la terre. Une telle uniformité relative suggère naturellement l’idée d’un printemps perpétuel, et telle est à peu près l’année en Cornouaille ; mais je dois ajouter que c’est d’ordinaire un printemps pluvieux. Comment les plantes de la Nouvelle-Zélande, de l’Australie et des Florides s’accommodent-elles aux conditions d’un pareil climat ? Il faut croire que même les arbres des tropiques ont moins besoin de chaleur qu’ils ne craignent le froid. En serait-il ainsi des animaux étrangers à nos contrées septentrionales ? Je regrette, dans l’intérêt de l’histoire naturelle, que l’expérience n’ait point été tentée, et que les savans de la Cornouaille, après avoir conquis les espèces végétales du sud, n’aient point étendu les mêmes soins à l’acclimatation de certains êtres vivans.