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que je dois faire du cadeau perfide qui m’a été adressé par une main inconnue.

Deux ou trois jours après, vers le soir, le chevalier se promenait dans le jardin, près du cabinet d’étude qui touche au salon. Frédérique y était seule, et chantait avec beaucoup d’émotion l’air de Haendel dont il a été question plus haut. Le chevalier, s’approchant de la fenêtre du cabinet, qui n’était pas éclairé, dit à la jeune fille ; — Fort bien, mademoiselle : vous avez compris la pensée du maître, et vous l’exprimez à merveille.

— Grâce à vos bons conseils, monsieur… À propos, dit-elle après un instant de silence, avez-vous découvert l’auteur du billet que vous avez reçu ?

— Mon Dieu ! non, et je ne m’inquiète guère de savoir quelle peut être la personne qui a eu l’idée de cette mauvaise plaisanterie.

— Pourquoi supposez-vous, monsieur, que le sentiment qu’on vous a exprimé n’est pas sincère ?

Cette réflexion naïve de la jeune personne, son empressement à rechercher les conseils du chevalier, éveillèrent l’attention du Vénitien, qui finit par se persuader que c’était Frédérique qui lui avait écrit le billet mystérieux. Il en fut très chagrin. Son âge, les souvenirs qu’il avait dans le cœur, le respect qu’il devait à Mme de Narbal, tout était de nature à l’inquiéter sur les suites d’un tel incident. Il résolut à l’instant de mesurer ses paroles, de se contenir, et d’éviter toutes les occasions qui pourraient donner de l’importance à la velléité d’une enfant ; mais, pour bien comprendre la lutte douloureuse où allait s’engager le chevalier Sarti, il est nécessaire de mieux connaître la femme qui est le nœud de cette histoire.


P. SCUDO.