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Comme parmi nous le goût en paraît décliner, il est juste de citer les exceptions. Parmi les ouvrages contemporains définitivement admis à la nouvelle Pinacothèque, on ne peut passer sous silence l’Ascension et le Christ guérissant les malades de Schraudolph, la Cène et la Vierge sur un trône de Henri Hess, la Mort de Waltenstein de Piloty, le Déluge de Schorn, à qui la mort n’a pas permis de l’achever, la Destruction de Jérusalem par Kaulbach, qui est fort admirée à Munich. Ces tableaux ont beaucoup de valeur, et les deux derniers sont de grandes machines qui offraient toutes les difficultés de l’art. La pensée, la composition, le dessin ne manquent dans aucune, et les recommandent inégalement. Kaulbach a fait acte d’imagination; mais, chose étrange chez ces derniers héritiers des créateurs de la peinture allemande, la mollesse et quelquefois la pâleur sont un défaut assez général. C’est la force et l’originalité qu’on cherche en vain, et les Allemands d’aujourd’hui, encore suffisamment coloristes quand ils suivent les Flamands, cessent de l’être quand ils abordent la peinture d’histoire. Cependant je trouve une exécution plus ferme et plus assurée dans une Sainte Famille d’Overbeck, habile imitation de Raphaël encore élève du Pérugin. Dans un style moins sévère et sorties des mêmes mains, l’Italie et l’Allemagne, sous l’image de deux jeunes filles, brune et blonde, qui se tiennent embrassées, forment un groupe charmant dont le seul tort est d’exprimer une pensée mensongère. Au reste, Overbeck a peut-être bien fait cette fois de descendre des hauteurs arides de sa manière. Il a fait embrasser une paysanne allemande et une paysanne italienne, non l’Allemagne et l’Italie, en cela il a eu raison.

Mais enfin avec tout leur mérite, et quoiqu’ils se soient préservés de toute espèce de perruques en les laissant à Cerbère, ces doctes artistes n’ont fait, dans les sujets sérieux, qu’inaugurer une renaissance classique, et peut-être leur œuvre a-t-elle plus de ressemblance qu’ils ne pensent avec celle de Louis David, quoiqu’ils aient plus de savoir et d’esprit. Peut-être tel est-il l’inévitable résultat de tout mouvement d’école qui procédera de la critique et non de l’inspiration. Maintenant faut-il dire autant de mal qu’il est d’usage d’en dire des temps où la critique domine, et notre siècle est-il par là condamné à la médiocrité dans les arts comme dans tout ce qui est du ressort de l’imagination? C’est une autre question, et j’avoue que l’arrêt ainsi motivé m’a toujours paru trop rigoureux. On aurait de la peine à prouver que les belles époques du génie, même du génie poétique, aient été exemptes ou dépourvues de ce travail de réflexion sur le beau, sur le vrai, sur les moyens de réaliser l’un et d’atteindre à l’autre, c’est-à-dire de toute analyse de l’art et