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Dans un des cadres de la collection du Louvre à la gloire de Marie de Médicis, Rubens, ayant besoin pour représenter les maux et les fléaux détruits d’un Apollon vainqueur du serpent Python, a imaginé de copier l’Apollon du Belvédère. Rien ne fait mieux voir dans une même figure le contraste des deux genres, des deux génies. Un tableau de la galerie de Munich prête à la même comparaison : c’est celui que le catalogue appelle la Réconciliation des Romains et des Sabins. C’est absolument le sujet et la disposition des Sabines de David. Romulus et Tatius sont placés de même ; tous deux s’arrêtent dans l’action. Entre eux, des groupes de femmes ont la même place et le même rôle. Telle est l’analogie de la composition qu’on a peine à croire que David ne la connût pas et n’ait pas obéi à quelque réminiscence. Et cependant rien n’est plus différent : ce sont comme les deux extrémités de l’art du peintre, et l’on admire quel vaste champ s’ouvre au talent dans un art où le même sujet peut se recommencer à l’infini. Que ne pourrait-on pas dire si l’on entreprenait l’étude comparative des Jugemens derniers de Rubens! La Pinacothèque n’en contient pas moins de cinq, en y comprenant une scène de l’Apocalypse, l’archange Michel précipitant les mauvais esprits dans l’abîme. On peut ne pas aimer ces grappes de figures raccrochées l’une à l’autre par des tours de force, et malgré l’autorité de sir Josuah Reynolds il est difficile de regarder la Chute des damnés (250) « comme un des plus grands efforts de génie que l’art ait produits. » Le groupe de la Vierge dans le Jugement dernier (258) et quelques figures nues, malgré des entrelacemens amoncelés avec peu de goût, le rendraient préférable à mes yeux. Des cinq compositions, la meilleure pourrait être la résurrection des bienheureux (325) ou plutôt des bienheureuses, car Rubens n’admet guère que des femmes parmi les élus. Mais réservons toute notre attention pour des œuvres moins risquées, par exemple pour ces sept enfans portant une guirlande de fruits. C’est quelque chose comme un dessus de porte; mais c’est un chef-d’œuvre pour le coloris, l’éclat, la richesse, la naïveté et la grâce. C’est la perle de l’écrin de Rubens.

Lorsque l’on compare Rubens aux peintres espagnols, on croit comprendre pourquoi l’Espagne ne devait pas éternellement posséder les Pays-Bas. L’incompatibilité d’humeur saute aux yeux. Il semble que le génie de Philippe II ait dans ses états imprimé à l’art comme à la foi le sceau de la terreur. La peinture espagnole n’est guère qu’un épisode curieux et intéressant dans l’histoire de l’art; mais cet épisode n’a eu et n’aura aucune suite, et, quoique assez considérable, le contingent de l’Espagne dans la Pinacothèque n’a pas une valeur éminente. Je ne saurais négliger également les trois salles et les six cabinets réservés à la peinture italienne. Les chefs-