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était à peine constitué que la crise prévue arriva en Belgique. Le roi de Hollande refusa d’exécuter le traité qui, en fixant les limites des deux états, attribuait Anvers à la Belgique, et donna l’ordre à la garnison qui occupait la citadelle de se défendre à toute extrémité. Le cabinet anglais hésitait à employer la force. Après avoir attendu quelques jours un assentiment qui n’arrivait pas, M. le duc de Broglie insista pour une action immédiate; cet avis fut partagé par le roi et son conseil, l’armée française reçut l’ordre d’entrer en Belgique et d’assiéger Anvers. On pouvait craindre que l’armée prussienne, campée à une journée de marche, ne prît parti contre nous, et tel était en effet l’espoir secret du roi de Hollande, beau-frère du roi de Prusse; mais les Prussiens ne bougèrent pas, et Anvers, après un siège d’un mois, fut pris sous les yeux de l’Europe intimidée. Ce siège décida la question en suspens : la Belgique jouit encore et jouira longtemps, il faut l’espérer, de l’indépendance qui lui fut assurée alors et dont elle a fait un si bon usage. Les traités de 1815 reçurent une première atteinte, et l’Europe compta un gouvernement libre de plus.

L’empereur Nicolas sentit à son tour la main du nouveau ministre des affaires étrangères. Depuis 1830, ce prince affectait, contre tous les usages suivis entre têtes couronnées, de ne jamais demander à l’ambassadeur de France des nouvelles du roi. En janvier 1833, M. le duc de Broglie nomma le maréchal Maison ambassadeur à Saint-Pétersbourg, et lui donna pour instruction de quitter cette capitale le lendemain même de son arrivée, si l’empereur continuait à manquer aux convenances diplomatiques. Il ne s’en tint pas là, il fit venir l’ambassadeur de Russie et lui répéta la même déclaration. De son côté, le maréchal Maison reçut ordre de ne faire aucun mystère de ses instructions et d’en parler d’avance à tous ses collègues. L’empereur se le tint pour dit ; à la première réception, il demanda à l’ambassadeur des nouvelles du roi, et les rapports entre les deux cours devinrent pour le moment plus réguliers. Ces sortes d’incidens, où la personne des souverains est en jeu, ont peu de retentissement dans le public, mais ils font un grand effet dans le monde politique. Toutes les chancelleries surent que l’orgueil du tsar avait cédé, et le prestige théâtral dont il aimait à s’entourer en fut affaibli.

Pour s’en venger, il imagina de provoquer contre nous une nouvelle démonstration de coalition. Après en avoir conféré en grand appareil avec l’empereur d’Autriche et le roi de Prusse dans une petite ville de Bohême, il fit adresser au cabinet français, par les trois cours, des notés identiques dans leurs conclusions qui contenaient une sorte de menace contre la France, si elle continuait à