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c’est une jonglerie méprisable et qui ne prouve qu’une chose : c’est que celui-là qui s’en donné le passe-temps se croit assez fort pour braver ses adversaires et se moquer de ses partisans. » L’usage qu’on avait fait de ces simagrées pour légitimer les changemens à vue de notre histoire révolutionnaire expliquait la sévérité de ce jugement; mais il est peut-être à regretter qu’on s’y soit arrêté. Rien ne pouvait enlever au duc d’Orléans les droits qu’il tenait de sa naissance, et il aurait eu un titre de plus.

L’heure des jugemens définitifs n’est pas arrivée pour ces événemens. Il se peut que l’histoire reproche un peu de précipitation à ceux qui arrêtèrent la révolution au milieu de son triomphe. Il ne suffit pas, pour faire œuvre durable, qu’une nécessité apparaisse aux hommes les plus sages, les mieux placés pour bien voir : il faut que la grande majorité nationale partage leur sentiment et s’en rende compte. Le gouvernement de 1830, après avoir vaincu dix-huit ans l’anarchie toujours renaissante, a fini par succomber dans cette lutte, parce que la France n’a jamais eu une notion suffisante du danger qu’elle courait. On a trop fait ses affaires, on ne lui a pas assez fait sentir le poids de la responsabilité; mais, s’il est possible de signaler quelques torts d’un côté, il y en a beaucoup plus à relever de l’autre. L’expérience de la république, assez malheureuse en 1848, eût encore plus mal tourne dix-huit ans plus tôt. Beaucoup de bons juges pensent aujourd’hui que les lumières ne sont pas assez répandues pour justifier l’exercice du suffrage universel; elles l’étaient beaucoup moins en 1830. Les idées et les passions révolutionnaires avaient au contraire toute leur puissance. Au péril de la désorganisation intérieure se joignait un grand péril extérieur. Il ne s’était écoulé que quinze ans depuis nos revers; la sainte alliance nous entourait encore de toutes parts, et la France, épuisée d’hommes et d’argent par l’empire, n’avait pas eu le temps de réparer ses forces. La période de la monarchie constitutionnelle a continué et accéléré les progrès pacifiques commencés sous la restauration; elle a développé la population et la richesse au dedans et les moyens de résistance armée au dehors; elle a divisé, affaibli nos ennemis pendant qu’elle nous fortifiait nous-mêmes.

M. le duc de Broglie ne voulut accepter dans le premier ministère formé par le roi Louis-Philippe à son avènement que le portefeuille de l’instruction publique. M. Guizot avait le ministère de l’intérieur. Composé de onze membres, sept ministres à portefeuille et quatre ministres consultans, ce cabinet contenait pêle-mêle les divers élémens de l’opposition sous la restauration. Il ne dura que quatre mois, au milieu de divisions et d’indécisions de toute sorte. Les élémens contradictoires qui le formaient tendaient toujours à