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complaisans envers tous les gouvernemens nés de notre révolution, qui ont successivement traité avec la convention, recherché l’amitié du directoire, brigué l’alliance du dévastateur de l’Europe, que ce sont ces mêmes ministres que nous avons vus si empressés aux conférences d’Erfurt, qui viennent maintenant, de leur souveraine science et pleine autorité, flétrir la cause pour laquelle Hampden est mort au champ d’honneur et Russell sur l’échafaud, en vérité le sang monte au visage ! » À ce vigoureux langage, tenu en face de gouvernemens enivrés de leur toute-puissance, on reconnaît l’homme qui, dix ans plus tard, ministre d’un gouvernement sorti d’une révolution, fera reculer la sainte alliance et contribuera à fonder en Espagne des institutions libres, sous la propre fille de Ferdinand VII. 1833 donnera la revanche de 1823.

On sait quelle magnifique sortie le fameux projet de loi sur le sacrilège inspira à M. Royer-Collard à la chambre des députés : M. le duc de Broglie ne fut pas moins éloquent à la chambre des pairs. Pour exprimer l’horreur que lui inspirait la loi, ce sont ses propres termes, il invoqua les plus lugubres souvenirs du saint office. La loi sortit de ces discussions ardentes amendée, affaiblie, mais encore barbare et d’une exécution impossible. Il en fut de même de cet autre projet présenté à la même époque sur le droit d’aînesse et les substitutions. M. le duc de Broglie le combattit comme portant atteinte au principe de l’égalité civile et aux saines notions d’économie politique. Personne, à peu près, ne savait alors l’économie politique. Lui seul pour ainsi dire l’avait étudiée et la connaissait à fond. Son discours en donne la preuve. Il était impossible de mieux démêler cet amas de confusions, d’erreurs, de craintes, de prétentions également chimériques, que représentait le projet de loi, et de mieux fixer le véritable sens de ces mots de grande et petite propriété, grande et petite culture, que tout le monde employait à tort et à travers. Le droit d’aînesse fut rejeté par la chambre des pairs, bien qu’elle fût alors héréditaire, et le droit de substitution, maintenu à grand’peine dans la loi, est resté sans application de la part de ceux même qui en avaient demandé le rétablissement. Telle est la puissance des mœurs.

Encore aujourd’hui quelques esprits sincères rêvent de nouvelles atteintes au principe de l’égalité des partagés dans les successions. Il faut les renvoyer à cette argumentation lumineuse qui dès lors réduisait à leur juste valeur le mal et le remède. Ils y verront exprimées d’avance les vérités économiques que quarante ans d’expérience n’ont fait que confirmer sur le rôle des capitaux en agriculture, sur les obstacles naturels au morcellement et sur l’impuissance des obstacles artificiels. Parmi les objections présentées par l’orateur,