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s’étant élevé à Lisbonne en 1822, faisait route au sud-est, et avait déjà franchi le Tage, lorsqu’il fit la remarque que les nuages situés au-dessus de lui marchaient en sens inverse. Il voulut retourner avec eux sur la ville; ayant jeté du lest, il atteignit en effet un vent de sens contraire, revint planer au-dessus de la ville et redescendit près de l’endroit d’où il était parti, en sorte que les mêmes personnes qui avaient été témoins de son départ purent assister à son retour.

En accordant aux aéronautes qu’ils rencontreront dans l’atmosphère des courans réguliers superposés et dirigés en sens contraire l’un de l’autre, nous n’entendons pas que la direction des ballons soit par cela même un problème déjà résolu. D’abord le vent supérieur ne sera pas toujours à la même hauteur; il faudra quelquefois l’aller chercher plus haut que ne le comporte la force ascensionnelle de l’aérostat. Puis le ballon ne peut s’avancer que dans le sens du vent ; il est incapable de faire toutes les routes du compas, comme un navire, depuis le vent arrière jusqu’au plus près ; il ne peut non plus courir des bordées et résister au fluide léger en s’appuyant sur un fluide plus dense. Est-ce d’ailleurs à la navigation à voiles, avec ses lenteurs, ses détours et ses incertitudes, que l’on veut nous ramener aujourd’hui? Évidemment non. On aurait compris l’opportunité de ces projets avant la vapeur et les chemins de fer ; mais ils ne sont plus de notre temps. Pour que la navigation aérienne se fasse accepter, il faut qu’elle soit créée d’une seule pièce toute perfectionnée sans passer par les degrés intermédiaires qu’a franchis la navigation maritime. Il faut dès le début appliquer la vapeur aux aérostats comme aux wagons et aux bateaux.

Sous quelle forme la vapeur manifestera-t-elle sa puissance? Mettra-t-elle en mouvement un gouvernail, des rames ou une hélice ? Ce sont des questions secondaires qu’il ne nous importe pas de traiter. Trouvera-t-on des matériaux assez légers, en même temps assez résistans, pour ces appareils aériens? La nature ne peut plus guider les inventeurs, car elle s’est refusée à créer des oiseaux d’une grande dimension. Les moteurs dont nous disposons aujourd’hui sont assurément mal appropriés aux besoins de la locomotion aérienne. Si l’on voulait employer la machine à vapeur, on aurait à craindre les dangers du feu, notamment par les étincelles qui sortent de la cheminée, et qui, rencontrant une fuite de gaz, pourraient en déterminer l’explosion. Cependant ce péril peut être écarté, si l’on prend soin d’envelopper l’orifice de cette cheminée avec une toile métallique à l’instar des lampes de mineur de Davy. La perte de poids due à la consommation du combustible présentera un autre obstacle qu’il sera peut-être aisé de surmonter. La plus grave objection gît dans le poids énorme dont la machine avec son charbon et