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serait pas de même, si la situation devait être dominée par une gêne grave et prolongée du trésor.

Il peut, on le voit, se présenter des cas où le trésor ressemblerait à un banquier très riche qui, ayant compté sur le crédit pour payer ses échéances et se voyant le crédit enlevé par une circonstance imprévue, quoique bien au-dessus de ses affaires, serait forcé de les interrompre. Une erreur de prévision, non le défaut des ressources réelles, amènerait une complication déplorable. — Mais, dira-t-on, au lieu de s’exposer à de tels accidens, pour se mettre même en état de les surmonter tous, comment se fait-il que le gouvernement ne prenne point un jour un grand parti relativement à la dette flottante ? Comment ne débarrasse-t-il pas le marché financier et ne se délivre-t-il pas lui-même d’un grand souci en consolidant par l’opération si facile et si légère d’un emprunt une portion de cette dette ? C’est ce raisonnement fort naturel qui accrédite si fréquemment parmi le public les bruits d’emprunt. Par cette voie, le cercle vicieux de la politique financière nous ramène à la politique proprement dite. Emprunter ! c’est bientôt dit : oublie-t-on que nous sommes en paix ? Emprunter en temps de paix, ne serait-ce point une douleur pour un gouvernement et surtout pour un ministre des finances qui voient le budget dépasser deux milliards, qui ont augmenté récemment certains impôts ou créé certaines taxes pour échapper à la triste nécessité d’un emprunt de paix, qui voient au surplus les revenus publics s’améliorer sans cesse ? N’est-il plus permis de croire que le jour viendra où la dépense croîtra moins vite que le revenu, où les excédans de recettes serviront à éteindre les découverts ? Renoncer à cette espérance, ne serait-ce point accuser le système politique ? Puis est-il interdit d’imaginer que nous obtiendrons du Mexique le remboursement des deux cents et quelques millions que l’expédition nous a déjà coûtés ? Abandonner comme chimérique cette perspective, ne serait-ce pas avouer trop chèrement de nouvelles erreurs du système politique ? Que si d’ailleurs, surmontant une fausse honte, on entrait dans la voie des emprunts de paix, où s’arrêterait-on ? Ne faudrait-il pas recommencer dans trois ou quatre ans ? Nous connaissons des gens, même parmi les amis du gouvernement, qui se réconcilient avec les grosses dettes flottantes dans la pensée qu’elles sont le frein le plus efficace contre l’entraînement des dépenses et des entreprises aventureuses. De frein, il n’en peut exister que dans le sévère contrôle du pouvoir législatif, et nous craignons bien que ce ne soit pas le système électoral pratiqué par M. de Persigny qui nous puisse doter d’un corps législatif assez résolu et assez fort pour aider le ministre des finances à contenir les dépenses et à restreindre la dette flottante dans de prudentes limites.

Le corps législatif devra donc, suivant toute apparence, aborder les questions intérieures d’une façon vive, neuve et piquante ; quant aux questions extérieures, si attachantes qu’elles soient, elles ne se montreront à, lui que sous l’aspect le plus morne et le plus désolant. Où en est la question