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notre régime constitutionnel, la question du suffrage universel, fondement de la souveraineté parmi nous. Comment le suffrage universel est-il pratiqué en France ? Comment est-il manié par l’administration ? C’est ce qui sera recherché et exposé publiquement. Une telle investigation conduira nécessairement à l’affirmation des principes qui sont la condition de la sincérité du suffrage universel et de la validité des droits qui en découlent. Les enseignemens généraux qui résulteront de l’enquête électorale seront mis naturellement en lumière dans la discussion de l’adresse. Il faudra rechercher alors si les pratiques électorales de l’administration n’aboutissent point à faire absorber le pouvoir représentatif par le pouvoir exécutif, confusion qu’aucune bonne constitution ne saurait tolérer, et qui n’est pas plus compatible avec la constitution de 1852 qu’avec nos anciennes chartes. On se demandera si le plus simple bon sens peut admettre que, dans un pays régi par le suffrage universel, les instrumens de l’information et de la discussion publique créés par les besoins et les conditions des sociétés modernes, que les journaux en un mot, au lieu d’être régis par le droit commun et de relever de la justice ordinaire, soient soumis à l’action discrétionnaire du pouvoir exécutif.

La question de la pratique du suffrage universel et la question de la situation intérieure, questions connexes, unies par la plus étroite solidarité, sont les points les plus importans de la politique intérieure proprement dite. C’est avant tout sur ces questions que se classeront les deux politiques, nous ne voulons pas dire les deux partis : la politique du libéralisme, de la vraie démocratie, du progrès, et la politique de la stagnation, de la réaction, de la résistance. Après les questions qui touchent à la racine même des institutions, la plus digne d’examen est sans contredit celle des finances. La session prochaine sera certainement employée à discuter les résultats que la politique générale du gouvernement a tirés des mesures réparatrices, des réformes et des opérations financières accomplies par M. Fould. Une autre question délicate, celle des rapports du pouvoir exécutif avec les chambres, se traitera expérimentalement, pour ainsi dire, à travers ces débats mêmes : la combinaison qui confie la représentation du gouvernement devant les chambres au ministre d’état, maintenant assisté, non plus du seul président, mais de plusieurs vice-présidens du conseil d’état, sera jugée à l’œuvre. Quant aux questions extérieures, il n’est pas nécessaire d’en signaler l’émouvante et redoutable gravité. Ne parlons pas de la folle opiniâtreté de l’Allemagne à propos du Holstein et du Slesvig, ne parlons pas des tristes et ruineuses incertitudes de l’affaire du Mexique ; mais la Pologne est là : ce n’est pas seulement l’humanité qui nous attache au spectacle du supplice d’une nation si sympathique à la France. La diplomatie a fait de la situation de la Pologne une question politique qui tient depuis huit mois l’Europe en suspens. Cédant à une impulsion généreuse assurément, le cabinet des Tuileries a paru prendre une initiative particulière dans la direction de l’action diplomatique. On va être