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l’âme par le dehors. La réaction religieuse elle-même a débuté par l’amour des cathédrales, et le roi Louis ne fut que conséquent lorsqu’il signala la réaction esthétique, objet de son ambition, par la construction de quatre églises qu’il pouvait appeler normales, une basilique, une église byzantine, une gothique et une lombarde ou romanesque.

Ce n’est pas que Munich ne contînt déjà des temples d’une époque plus naïve qui pouvaient prendre place dans l’histoire de l’art : sa métropole, avec ses deux tours terminées par un toit en forme de cloche écrasée, est un beau vaisseau très imposant. Elle a ce trait particulier à quelques-unes de nos églises du midi, à la cathédrale d’Alby notamment, que tous ses contre-forts, élémens obligés d’une construction gothique, sont en dedans au lieu d’être en dehors, et forment les enfoncemens naturels de ses chapelles latérales, tandis que ses murs extérieurs ne présentent que d’immenses et plates surfaces de brique qui m’ont rappelé Saint-Étienne de Toulouse. Saint-Michel, ancienne église des jésuites, est dans le style italien. Sa nef simple, sans bas côtés ni chapelle, est remarquable par sa largeur et par celle de sa voûte. C’est une salle immense. La façade est un écran surmonté d’un pignon très élevé. La décoration de l’intérieur, presque tout blanc, est en stuc italien, c’est-à-dire en moulures de plâtre, dont la riche complication n’est surpassée que par l’intempérance du même genre d’ornementation fleuri, feuillu, touffu dans la singulière église des théatins.

Les églises nouvelles ont chacune la prétention d’être des types beaucoup plus purs du genre auquel elles appartiennent. Celle de Saint-Boniface est la plus belle, certainement la plus curieuse pour un voyageur français, ordinairement peu familiarisé avec les basiliques. Celle-ci a été exécutée sur le patron de Saint-Paul-Hors-des-Murs ou de Saint-Apollinaire de Ravenne[1]. Au total, on a réussi. Cinq nefs, quatre rangées de colonnes très rapprochées, au-dessus des arceaux une suite de médaillons des derniers papes, au-dessus des médaillons une frise couverte de grandes fresques, au-dessus des fresques les fenêtres, au-dessus des fenêtres un toit en charpente; point de chapelles latérales, point de transept; au fond, trois autels à peu près sur la même ligne, dont le principal, sans baldaquin, dans une abside peu profonde, laisse voir un hémicycle à fond d’or sur lequel un pinceau volontairement byzantin a retracé dans une auréole ovoïde un Christ en robe blanche entouré du chœur des anges. Au-dessous, les saints les plus populaires de la Bavière sont rangés en demi-cercle, chacun séparé de ses deux voisins par un palmier. Cette disposition est connue, quoique rare

  1. Voyez dans la Revue du 15 septembre 1861 l’article sur Bologne et Ravenne.