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inaccessibles, sont des bandes de brigands organisées pour le pillage et le meurtre. L’hospitalité, — proverbiale d’ailleurs, — de ces peuplades errantes ne protège que le voyageur assis au foyer. Avant qu’il n’entre, dès qu’il est sorti, on le dépouille, on l’assassine sans pitié. Il y a fort loin de là sans doute à une organisation normale ; mais encore une fois, au milieu de ces désordres privés, l’esprit public se maintient, le courage individuel ne faiblit pas, l’indépendance privée et l’indépendance nationale conservent de solides garanties.

Pour l’Afghan, orgueilleux par essence, il n’existe dans son pays d’origine que deux professions possibles, celles de laboureur et de soldat. Un métier manuel, une industrie, un commerce quelconque, ou ne s’accordent pas avec ses idées sur l’indépendance personnelle, ou répugnent à ses instincts. Ce n’est pas que le commerce n’existe dans le pays et n’occupe un certain nombre de tribus qui comprennent plusieurs milliers de familles, mais les transactions ne se font pas d’individu à individu; elles se combinent sur une large échelle, avec l’aide et par l’intermédiaire des capitalistes hindous ou persans : les indigènes se restreignent au simple transport des produits qu’il s’agit de vendre; Tous les exercices du corps sont familiers à cette race athlétique. La chasse, l’équitation, le tir, l’élève des faucons, sont les passe-temps de la jeunesse. Feringhee-Bacha, par exemple, dans les souvenirs dont nous parlions, ne cesse de vanter son adresse à manier la carabine comme son plus beau titre à l’estime des hommes. Dans les combats de tribu à tribu, combats que provoque à chaque instant l’incident le plus futile, le simple caillou lancé avec une singulière adresse devient un projectile des plus meurtriers. Hérissés de préjugés, vindicatifs à l’excès, avares jusqu’à la parcimonie la plus abjecte, les Afghans masquent ces vices du caractère national par des dehors affables, un empressement, une franchise apparente, qui sont autant de pièges pour la confiance de l’étranger. Illettrés d’ailleurs, ils ont à peine quelques traditions écrites, et leurs prêtres seuls sont en état de les lire. Quelques-uns de ces prêtres et un bien petit nombre de laïques appartenant aux classes les plus riches savent le persan et ont ainsi à leur disposition quelques jouissances littéraires. Les documens officiels, les correspondances commerciales se rédigent aussi dans cette langue étrangère. Le puchtu compte à peine quelques volumes de théologie, quelques romans-poèmes, quelques ouvrages historiques, le tout en bien petit nombre, d’une circulation très restreinte, à peine lu de quelques curieux.

L’islamisme est là, comme presque partout ailleurs, une religion de préceptes, de cérémonies et de formules, qui n’a sur les cœurs aucune prise, si ce. n’est accidentellement, par quelques superstitions;