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empruntés aux hymnes d’Homère, à Eschyle, à Anacréon, aux Niebelungen, aux minnesingers, ou à l’œuvre des poètes modernes, comme Schiller ou Klopstock. Si l’on en juge par de très belles photographies, les dessins que Kaulbach a consacrés à des scènes prises dans les ouvrages de Goethe sont remarquables d’esprit et de grâce; mais ces trésors sont maintenant tenus secrets : on n’ouvre au public que le Fest Saalbau ou les salles de réception. L’art moderne ne les a pas négligées, toujours en y faisant preuve de cet éclectisme un peu pédantesque qui se montre ici partout. Ainsi tout le monde sait qu’il y a à Hampton-Court une salle des beautés de la cour de Charles II, dont les portraits pourraient servir de planches aux Mémoires du Chevalier de Gramont. Donc il y a au palais de Munich deux salles des beautés : ce sont deux collections de portraits dans le genre de M. Winterhalter ou de M. Dubufe, représentant les plus belles contemporaines du dernier roi, presque toutes allemandes et surtout bavaroises. J’ignore par quel mode de concours et d’examen les admissions dans ce séduisant état-major ont été prononcées. C’est certainement le plus redoutable emploi de sa prérogative que le roi ait pu faire, si, comme on le dit, il s’est réservé la souveraineté du choix. Du reste il a agi en prince ami de l’égalité, et qui prend le mérite partout où il le trouve : ce nouveau Panthéon rapproche des plus grandes dames une grisette de Munich et une paysanne des environs dans le costume national, et ni l’une ni l’autre n’est déplacée à la cour. On assure que la comtesse de Landsfeld a figuré dans ce cercle, du moins est-elle comprise dans la collection photographique qui répond à celle des peintures ; mais il n’y règne désormais que la reine de Bavière, qui là aussi est une vraie reine.

Plus loin s’ouvrent trois salles toutes couvertes de grandes fresques historiques, l’une consacrée à l’histoire de Charlemagne, l’autre à celle de Frédéric Barberousse, la troisième à celle de Rodolphe de Habsbourg. Ce sont de vastes machines qui font honneur à l’imagination de Schnorr. La composition, la pensée, le dessin, ne sont pas sans mérite. C’est toujours la couleur qui laisse des regrets. La peinture à fresque rend plus difficile ce qu’on appelle le modelé. Faute de pouvoir user largement du contraste des ombres, on s’efforce de rendre lumineuses les parties claires en blanchissant la teinte, si bien qu’elle n’est plus d’aucune couleur déterminée, et qu’une lueur jaunâtre se répand sur toutes les parties. Ce ton général n’est pas agréable, et avec beaucoup de talent le peintre du Fest Saalbau n’a pu rencontrer l’effet. L’effet, au reste, n’est point par excellente la qualité des Allemands. Dans l’art comme dans les lettres, comme en tout, la vigueur de ton et le relief manquent souvent