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encore les unes derrière les autres. Les jugeant désormais inutiles, on les abat maintenant pour en répandre la terre sur les prairies? mais cela ne suffit pas, on fait plus encore. Dans les polders anciens, le sol est plus ou moins épuisé par les récoltes successives : il ne possède plus cette fertilité extraordinaire des premiers temps. Toutefois le sous-sol conserve encore intacts tous les élémens de fécondité du limon récemment déposé par la mer, car les racines n’ont pu descendre assez bas pour les lui enlever; On s’est donc avisé, pour rendre à la terre sa fertilité primitive, de prendre le sous-sol vierge et de le répandre sur les champs. Cette opération est appelée klei-delven, extraction de l’argile. On creuse une tranchée de 1 mètre de largeur sur autant de profondeur, on la remplit de terre épuisée, on distribue l’argile fraîche sur les guérets comme de l’engrais; et c’en est un en effet et des plus puissans. L’idée de ce travail étonne au premier abord, car partout ailleurs le cultivateur a tellement horreur de mêler le sous-sol avec la terre végétale qui a reçu les engrais et subi l’influence de l’air et de la charrue, qu’il ne veut pas même entendre parler des labours profonds. Au reste, dans beaucoup de polders, notamment dans ceux de la Zélande, la couche d’argile est trop peu épaisse pour permettre le klei-dehen; on arriverait bientôt au sable, et on gâterait la terre. Il est à remarquer aussi que tous les polders présentent une particularité remarquable : les plus récemment endigués, les plus rapprochés de la mer, sont les plus élevés; les anciens polders sont de plus en plus bas, à mesure qu’ils ont été endigués à une époque plus reculée. Il semble que l’argile se soit tassée et que le sous-sol, probablement tourbeux et spongieux, se soit affaissé sous la compression du poids nouveau qu’il avait à supporter.

Au siècle dernier, la Groningue était une province pauvre. Dans la répartition des charges de la fédération, elle payait moitié moins que la Frise et douze fois moins que la Hollande. Aujourd’hui, relativement à son étendue, elle est une des provinces les plus riches du royaume. Quoique plus de la moitié de son territoire soit composée de terres détestables, sablonneuses ou tourbeuses, elle produit à elle seule les quarante centièmes de l’avoine, de l’orge et du colza récoltés dans les Pays-Bas. Dans la région argileuse, une récolte de 40 à 50 hectolitres de féveroles à l’hectare, de 50 à 60 hectolitres d’orge, de 70 à 80 d’avoine, n’est pas rare. Pour donner une idée de la production en bétail, on peut citer la commune d’Aduard, qui ne compte que 2,000 habitans, et qui a exporté en 1860 389 vaches à lait, 420 bêtes grasses, 78 génisses, 86 chevaux, 1,254 moutons et 35,000 kilos de beurre; il en va de même chaque année.