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rurales présentent ici un caractère qu’on ne trouvera guère ailleurs. Complètement isolées de la Flandre par leur religion et par la frontière, et de la Hollande par un bras de mer, elles ont de l’aisance, des mœurs sévères, beaucoup d’instruction : chacun sait lire et lit beaucoup. Les petites villes et même les gros villages ont des imprimeries qui ne restent pas oisives. Les fermiers exercent la bienfaisance d’une manière intelligente : ils se réunissent et déterminent ce que chacun d’eux cultivera de plantes industrielles pour donner du travail aux indigens. On rencontre donc dans les campagnes de la Zélande une civilisation qu’on ne trouve point dans celles de la Belgique ou de la France; mais c’est exactement la culture intellectuelle et morale du temps de la fondation de la république néerlandaise.

La Flandre zélandaise est un pays de grande culture. Les fermes ont en général de 40 à 50 hectares d’étendue, et l’on ne voit point, de petites exploitations. Les ouvriers agricoles demeurent avec le fermier, sauf quelques journaliers, qui sont parvenus, profitant de la tolérance des administrations des polders, à se creuser une hutte dans les digues ou à s’y élever peu à peu Une chaumière. La terre, partout composée d’une riche argile, ne demande de fumier que tous les sept ans ; mais on lui accorde aussi tous les neuf ans une année de repos, qu’on prétend nécessaire pour extirper les mauvaises herbes. Toutefois la culture de la betterave, qui se répand de plus en plus, modifie déjà l’assolement, et amènera probablement la suppression complète de la jachère. Les principaux produits sont la garance, le lin, le colza surtout, puis le froment et les féveroles. Il y a peu de pâturages, et les vaches sont relativement en petit nombre; mais on tient beaucoup de chevaux, parce qu’il en faut trois et quatre pour traîner la gigantesque charrue généralement en usage. La terre se vend de 3,500 à 4,000 francs l’hectare, et se loue environ 100 francs. Dans les îles, le fermage s’élève jusqu’à 120 et 140 fr. Vers 1800, les prix de vente n’étaient encore que de 1,000 à 1,200 francs, et les prix de location de 40 à 50 francs. Comme le sol, naturellement fertile, réclame peu de travail et qu’il n’y a dans le pays nulle industrie, on ne remarque guère d’activité dans les campagnes. Les fermes se dérobent sous de grands bouquets d’ormes. La fièvre paludéenne règne pendant l’été et écarte les étrangers. Sur tout le paysage pèse une teinte mélancolique que ne parvient pas à dissiper la vue de cette grasse terre d’alluvion, toute chargée des plus riches produits ; mais bien plus triste encore est l’aspect des petites villes, jadis ports de mer florissans, aujourd’hui reléguées au milieu des terres par l’envasement graduel des baies, des passes et des cours d’eau. Quand au printemps de 1863 je visitai