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qui ne mérite et nos études et notre admiration. Lorsque les moyens nous manquent pour avoir ce luxe d’or et d’argent, de marbre et de porphyre, qui se répand partout, remplaçons-le par le zinc, par le simili-pierre et le simili-marbre, par les terres cuites et les émaux, ou par toute autre matière que les inventeurs nous déclarent indestructible ; mais au moins que la forme, la couleur, le goût, président à la construction et à la décoration de nos maisons, de nos meubles, ainsi qu’au tissu de nos étoffes. Un simple morceau de marbre poli pour faire une pendule ne vaut-il pas cent fois ce Serment des Horaces en clinquant, qui ferait prendre en haine tous les bronzes et toutes les pendules? On fait depuis longtemps un abus déplorable de la nature humaine dans l’ornementation. Pourquoi ne pas mieux respecter notre image, qui se prête d’ailleurs fort mal au style décoratif, et qui devient insupportable lorsqu’elle n’est pas l’œuvre du génie? La preuve est surabondamment fournie par ces chevaliers en vert-de-gris, ces Vénus rouges, ces Callot avinés qui s’étalent sur tout un côté du Palais de l’Industrie ; le burlesque, le laid et le difforme semblent ici la devise des auteurs. La renaissance avait abusé de la figure humaine, mais sous Louis XIV, Louis XV et Louis XVI les arabesques, les fleurs, les oiseaux, les amours, qui ne sont pas tout à fait des humains, entrèrent à peu près seuls dans l’agencement des meubles, des bronzes, des décors en un mot. C’était à la fois d’une exécution plus facile, plus élégante et moins coûteuse; il était aisé de varier les détails, tandis qu’une statue en pied doit se reproduire par centaines, si l’auteur et le commerce veulent en tirer parti, et dès lors ce poncif, trop souvent médiocre, fatigue et rebute. On ne saurait trop le répéter, le bien-être et le luxe ne consistent pas dans ces inutilités prétentieuses qui encombrent les meubles, tachent les murs, et ne permettent aux yeux de se reposer nulle part.

Celui qui visiterait l’exposition actuelle en s’inspirant de tels principes trouverait à chaque pas l’occasion d’exprimer son blâme ou ses regrets. Après avoir signalé le défaut commun à la plupart des objets exposés, il pourrait cependant s’arrêter devant quelques tentatives où l’on reconnaît le désir de concilier sérieusement les exigences de l’art avec celles du luxe moderne. Dans cet ordre d’essais recommandables, on rencontre quelques meubles en ébène pour bibliothèque et salle à manger d’une proportion charmante, sobres de détails, sans maigreur, et dignes en un mot de servir d’exemple. Ce sont les seuls à peu près sans défauts que nous puissions citer. Mme veuve Fossey d’une part et M. Jeanselme de l’autre, qui les exposent, feront bien, dans leurs compositions, de s’en tenir à cette élégante simplicité. Nous avons remarqué aussi les bronzes de M. Choiselat. Ils se distinguent par l’ampleur, la bonne composition et