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vanités qui appartiennent, dans toutes les conditions, à la race humaine. Nous sommes loin de repousser en lui-même le métal économique, nous regrettons seulement l’abus qu’on en fait. Avec du zinc ou du plomb, du fer ou du cuivre, il n’est pas impossible souvent à un artiste de goût d’obtenir de plus beaux résultats qu’avec de l’or. Le zinc est assurément un métal assez laid à l’œil : il a une couleur terne, une oxydation froide, qui ne se prêtent nullement à des œuvres d’art, si l’on ne lui donne pas galvaniquement les tons des métaux riches; mais alors l’avantage qu’il avait sur le cuivre ou le bronze par la modicité du prix se trouve sensiblement diminué. Et puis de l’or, toujours de l’or ! Rien n’est plus antipathique à l’art véritable que cette dorure éparpillée partout. Qu’on se représente la Vénus de Milo dorée tout entière : à cette seule pensée, un artiste frémira. Cherchons donc, pour remplacer ce faux luxe, des alliages où le zinc, l’étain, le cuivre, le plomb, l’argent, le fer, l’aluminium, les divers métaux enfin puissent se combiner, et nous aurons des vases, des ustensiles, des bijoux, mille objets où le goût, domptant la matière, charmera les yeux par l’harmonie des formes et des couleurs. Examinez ces métaux si habilement alliés que les Chinois et les Japonais appliquent à toute chose : ici ce sont des jaspures d’or dans un bronze florentin, là une poussière d’argent fixée par un enduit d’abord, ensuite au feu, dans le sillon d’une gracieuse arabesque, si finement gravée qu’on ne saurait comprendre comment la main humaine a pu faire de pareilles incrustations. Parlerons-nous de ces aciers tordus ensemble et redressés au marteau, dont les moirures, les zébrures et les alliages donnent aux vases et aux armes de Perse et de Syrie un aspect si précieux? Ces bijoux du Tonkin avec ces animaux et ces fleurs en relief, où l’acier noir et irisé, l’or et l’argent se combinent harmonieusement, ne montrent-ils pas quel parti on peut tirer des métaux les plus communs pour en faire des objets d’art? car c’est la main-d’œuvre et non la substance qui doit ici servir à fixer la valeur. En Égypte, en Perse, en Syrie, en Chine, les plus grossiers ustensiles sont pour les yeux de l’artiste une source inépuisable d’étude et d’admiration. Toujours les lois de la forme et de la couleur y sont respectées, toujours on y reconnaît l’œuvre inspirée, c’est-à-dire obéissant aux vrais instincts du beau, qu’une fausse civilisation n’a pas éteints. Ce vase a poussé comme pousse l’herbe des prés, et si vous demandez à l’enfant qui vient d’en modeler l’argile et de le mettre au soleil pour le faire durcir sur quel modèle il l’a copié, il vous regarde en riant et comme étonné d’une question si naïve. Il n’y a donc rien de ce qui est exposé ici en matières premières, — métaux, bois, tissus, si communs qu’ils soient, pourvu qu’ils obéissent aux conditions de la durée, qui est une loi primordiale, — rien