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15 novembre 1815, nomination des Polonais aux emplois publics et administration nationale distincte, liberté de conscience et abrogation des entraves mises au culte catholique, adoption de la langue polonaise comme langue officielle, établissement d’un système de recrutement régulier et légal. — C’était la pensée de 1815 résumée sous une autre forme, un peu atténuée même, et complétée par une double proposition, celle d’un armistice arrêtant l’effusion du sang, et celle de la réunion d’une conférence européenne composée des huit puissances signataires des traités de Vienne. L’Autriche toutefois n’appuyait la suspension d’armes que dans un langage assez enveloppé, ne parlait qu’en termes généraux d’une représentation nationale sans rappeler la charte de 1815, et elle ne disait rien de la réunion d’un congrès.

C’était certes le minimum des conditions possibles, c’était à peine un retour aux traités de 1815, qui formaient pourtant l’unique titre de domination légale de la Russie. Ces six points ne répondaient pas aux espérances de la Pologne : c’est la Russie qui les repoussa avec hauteur après avoir paru un moment accepter l’idée d’une négociation. Ce n’était peut-être pas bien surprenant : ainsi engagée, cette médiation européenne courait entre l’impossibilité et l’inefficacité. Allons au fond des choses. Prendre les traités de 1815 pour point de départ et pour règle d’une solution, n’était-ce pas replacer cette grande et douloureuse question polonaise sur un terrain vieilli, effondré, qui croule de toutes parts? N’était-ce pas chercher une force dans un droit qui a perdu son prestige, que les peuples seuls n’ont pas secoué, que les gouvernemens eux-mêmes ont violé audacieusement dans l’intérêt de leur domination. De plus c’était se créer à soi-même une difficulté et s’exposer à provoquer ce mot singulier de l’Autriche à l’adresse de la France, que la stricte exécution des traités était « un des avantages qu’elle avait toujours proclamés, mais qui demandait une application générale, et ne devait pas être limité seulement aux stipulations de 1815 relatives à la Pologne. » Aller vers la Russie ces traités à la main, c’était se préparer une défaite presque aussi certaine que si on eût demandé simplement l’indépendance pour la Pologne, puisqu’on se trouvait en face de l’interprétation permanente de la diplomatie russe, qui ne voit dans l’acte de Vienne que ce qui consacre le pouvoir souverain et absolu du tsar, et nie le caractère international des garanties assurées à la nationalité polonaise. Et puis, quand même la loi de 1815 eût été solennellement rétablie et eût reçu de l’Europe une sanction nouvelle, qu’en serait-il donc résulté? Ces traités existaient jusqu’ici ou étaient censés exister, et c’est pendant qu’ils existaient que la Pologne a été soumise au régime de la destruction ; ils ne