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disait-il, est que l’Autriche ne voit pas clairement son chemin. dans le sentier que lui montre le gouvernement français, sans qu’il y ait lieu de la croire tout à fait opposée à la politique dont on lui présente le contour. » Au fond, le système de l’Autriche semble avoir été tout entier, au premier moment, dans ce mot de lord Bloomfield : « Le comte de Rechberg n’a jamais laissé tomber un mot approuvant le partage de la Pologne; mais il croit de son devoir de traiter la question polonaise du point de vue actuel des intérêts de l’Autriche, qui est que les arrangemens territoriaux doivent rester tels qu’ils sont établis. »

La difficulté était de lier dans une action diplomatique commune des puissances de situation, de vues et d’intérêts si divers, sans compter les défiances. De là des divergences inévitables et tout un travail accompli au bruit des chocs sanglans qui désolaient ce pays dont on adoptait la cause, que la diplomatie européenne s’engageait à sauver de la mort. C’était avant tout une grave question de savoir comment on allait procéder, si l’intervention se présenterait à Pétersbourg sous la forme de notes identiques ou par la voie de notes distinctes. On finit par s’entendre en adoptant le système des notes séparées remises le même jour. Cette difficulté même tranchée, le langage différait comme le point de vue. Ainsi, pour l’Angleterre, la question était dans la violation permanente des traités de 1815. « Le désastreux état actuel des choses, disait lord John Russell, doit être attribué à ce fait, que la Pologne n’est pas dans les conditions où les stipulations de ces traités voulaient qu’elle fût placée. » L’Autriche, sans invoquer les traités, se fondait sur les considérations de sa sûreté. La France, sans faire appel ni aux traités, ni à des considérations de sûreté propre, élevait la question et lui rendait le caractère d’un grand problème moral et politique. « Ce qui caractérise les agitations de la Pologne, disait-elle, ce qui en fait la gravité exceptionnelle, c’est qu’elles ne sont pas le résultat d’une crise passagère... Ces convulsions, devenues périodiques, sont le symptôme d’un mal invétéré; elles attestent l’impuissance des combinaisons imaginées jusqu’ici pour réconcilier le royaume de Pologne avec la situation qui lui a été faite. » Il y avait pourtant une déclaration commune dans ces notes distinctes et simultanées : c’est que la situation de la Pologne était une menace permanente pour la paix de l’Europe, et attestait da nécessité d’arriver à une solution propre à replacer ce malheureux pays dans les conditions d’une paix durable.

Et voilà comment se nouait au mois d’avril l’action diplomatique qui, deux mois après, allait aboutir à ces six points, programme laborieusement débattu de l’intervention : — amnistie générale, représentation nationale semblable à celle qu’établissait la charte du