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144 millions, la disette de 1816 et de 1817 vint ajouter ses désastres. La question des subsistances et de l’approvisionnement des villes, grave surtout pour Paris, qui renferme tant d’ouvriers, a reçu des solutions diverses sous les gouvernemens qui se sont succédé en France : chacun d’eux s’est imposé à cet égard des sacrifices dont on ne peut méconnaître l’importance. Le gouvernement consulaire, instruit par la fatale expérience des années 1793, 1794 et 1795, avait ordonné en 1803 la formation d’un approvisionnement de réserve, porté de 150,000 quintaux métriques de grains à 250,000 quintaux. La ville de Paris payait au conservateur de ces grains une prime annuelle de 450,000 francs. En 1811, par suite d’une mauvaise récolte et de l’interruption forcée du commerce maritime, le gouvernement dut faire venir par terre des grains de Hambourg : on calcula qu’il fit alors un sacrifice de 80 millions. En 1816 et en 1817, la perte sur les achats de blé, l’indemnité en argent payée aux boulangers, les sommes affectées aux indigens, entraînèrent une dépense de 60 millions. C’est par l’intermédiaire de la caisse syndicale des boulangers, créée le 15 janvier 1817, que la ville de Paris sous la restauration intervint dans cette dépense. La caisse municipale fournit à la caisse syndicale une dotation de plus de 5 millions, et remboursa 11 millions à l’état des 17 millions d’indemnité accordés aux boulangers. En définitive, de 1806 à 1830, l’approvisionnement et la caisse syndicale ont coûté 30 millions à la ville de Paris. Supprimée par l’épuisement de la réserve en 1829, la caisse de la boulangerie a reparu de nos jours à la suite de la disette de 1859 avec des innovations importantes, principalement avec le système de la compensation; mais nonobstant l’interruption, pendant près de trente ans, de ce mode d’assistance, le gouvernement ou la ville n’avait jamais cessé de subvenir aux besoins des indigens, quand le prix du blé était trop élevé[1].

La disette de 1816 et la création de la caisse de la boulangerie ajoutèrent ainsi aux 43 millions empruntés pour les fournitures faites aux troupes étrangères un nouvel emprunt de plus de 16 millions. Pour régulariser ces dettes, contractées sous diverses formes, — cotisation municipale, émission de rentes, bons à échéance, prêts du trésor, obligations sur l’encaisse du trésorier de la ville, — le préfet de la Seine, tout en obtenant quelques extinctions au moyen des ressources annuelles, proposa l’émission de 31 millions d’obligations remboursables par annuités dans l’espace de douze années. Le budget de 1817 accuse par ses chiffres l’accomplissement de cette liquidation; il s’élève en recettes tant ordinaires qu’extraordinaires à

  1. Voyez la Revue du 15 août et du 15 septembre, - le Pain à Paris.