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travaux d’utilité et d’embellissement, et d’un prêt fait pour le même objet par le domaine extraordinaire. Il faut néanmoins ajouter à ces obligations la dette contractée à la suite de la mesure prise en 1811 pour vendre les maisons appartenant aux hospices. Cette mesure, qui priva les hospices de propriétés dont le revenu alors n’était pas considérable pour les abandonner à la ville de Paris, chargée d’en rembourser la valeur au moyen de rentes ou de paiemens ultérieurs, doit surtout paraître regrettable en raison de l’énorme plus-value que ces immeubles présenteraient aujourd’hui, et qui a été perdue aussi bien pour les hospices que pour la ville elle-même, empressée de s’en défaire. Quoi qu’il en soit et même en y comprenant le capital de 12 millions auquel avaient été évaluées les maisons prises aux hospices, le passif légué par le comte Frochot à son successeur ne présentait rien d’accablant, puisqu’à Côté d’une dette sans échéance fixe et d’une charge de 20 millions remboursables à long terme, celui-ci trouvait un budget en équilibre suffisant pour continuer les grandes entreprises commencées. Dès l’année suivante, il est vrai, la situation s’était singulièrement modifiée.

L’occupation du département de la Seine en 1814 ne fut pas longue ; elle coûta à la ville de Paris 5 millions 1/2 seulement, perçus au moyen d’une cotisation municipale, à titre d’avance, dont le remboursement se fit aux contribuables chaque année à partir de 1819 ; mais la seconde invasion et la nouvelle occupation qui la suivit, laquelle dura quatre mois et dix jours, nécessitèrent pour la ville une dépense extraordinaire de 45 millions. La capitale et ses environs furent pendant ce temps livrés aux exigences d’armées ennemies dont le total a dépassé 300,000 hommes. Aux troupes, on dut procurer des casernemens, des hôpitaux, les vivres pour les hommes, les fourrages pour les chevaux, aux généraux des hôtels richement meublés, des bons sur les restaurateurs ; des voitures de luxe, aux princes enfin un service de maison qui seul absorba 3 millions de francs. Encore, pour contenir ces charges dans de telles limites, le préfet de la Seine et le préfet de police, M. Decazes, durent-ils montrer une énergie qu’il faut rappeler à leur honneur. M. de Chabrol, pour n’avoir pas voulu frapper les habitans de Paris d’énormes contributions, n’échappa que par l’intervention de M. de Nesselrode à une translation, déjà ordonnée, dans la forteresse de Graudentz. M. Decazes, menacé de la vengeance du général prussien Müffling, gouverneur de Paris, pour avoir fait déchirer sur les murs un ordre du jour abominable, qui autorisait les sentinelles à faire feu sur les passans pour un regard ou un geste, s’enferma dans son hôtel et arma tous ses employés, prêt à repousser la force par la force.

À ces calamités de l’invasion, qui coûtèrent à la France 4 milliards