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Le rôle des lords hauts-commissaires était chaque jour plus difficile. Le parlement ionien ne se réunissait jamais sans réclamer l’annexion à la Grèce, et cette démarche provoquait immédiatement une ordonnance de dissolution de l’assemblée. Le cabinet de Londres a eu le mérite de reconnaître les devoirs que ses maximes de droit public lui imposaient en présence de cette situation, et lord Russell a écrit avec une noble franchise, dans une dépêche du 10 juin : « L’amour de l’indépendance dans l’union avec une race homogène a des droits à l’estime d’une nation qui se glorifié de son amour pour la liberté. C’est pour cela que, voulant fortifier la monarchie hellénique et satisfaire aux vœux fréquemment, quoique irrégulièrement exprimés dans les Iles-Ioniennes, le gouvernement de la reine a proclamé son intention de consentir à leur réunion à la Grèce. » De son côté, la cour de Danemark, dès qu’il fut question de la candidature du prince George, reconnut la nécessité pour ce prince d’apporter à ses nouveaux sujets l’annexion des sept îles comme don de joyeux avènement, et elle en avait fait une condition sine quâ non de l’acceptation de la couronne. Aussi la conférence de Londres a-t-elle étendu par anticipation à l’archipel ionien la garantie des frontières de la Grèce. Il a été convenu en outre, dans le protocole du 6 juin, converti depuis en traité que le roi George pourrait ne pas changer de religion, mais que ses successeurs devraient embrasser le rite oriental, qu’en aucun cas la couronne grecque et la couronne danoise ne pourraient se trouver réunies sur la même tête, enfin que les trois cours emploieraient leurs bons offices pour faire reconnaître le roi des Hellènes sous le nom de George Ier par tous les souverains et les états avec lesquels elles sont en relations.

Bientôt le nouveau monarque va paraître au milieu de ses sujets, qui attendent son arrivée comme le signal d’une ère de concorde et de pacification. Espérons que, si des voyageurs sympathiques à la Grèce, comme Mme Dora, la visitent encore, ils y trouveront de notables progrès accomplis. Rarement plus noble tâche fut dévolue à un jeune prince, et l’Europe pourrait répéter à George Ier cette belle parole de Cicéron : « Souvenez-vous, Quintius, que vous commandez aux Grecs, qui ont civilisé tous les peuples en leur enseignant la douceur et l’humanité, et à qui Rome doit les lumières qu’elle possède.


I. DE SAINT-AMAND.
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V. de Mars.