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politiques, celle de l’établissement et de l’organisation du corps enseignant est de premier ordre. Il n’y a pas d’état politique fixe, s’il n’y a pas un corps enseignant avec des principes fixes. Tant qu’on n’apprendra pas dès l’enfance si l’on doit être républicain ou monarchique, religieux ou irréligieux, etc., l’état ne formera pas une nation; il reposera sur des bases incertaines et vagues ; il sera constamment exposé aux désordres et aux changemens. » Ce que nous venons de dire de l’Angleterre et de la France s’applique à la plupart des nations de l’Europe, et nous ne connaissons en définitive aucun pays où une organisation scolaire ait pu être établie en dehors de l’église ou de l’état.

Quelques personnes prétendront peut-être que l’Allemagne fait exception à cette règle. On attribue en effet quelquefois à la liberté d’enseignement et à l’institution des privat -docent le grand développement intellectuel de ce pays, où tout le monde à peu près sait lire et écrire et où les savans et les esprits spéculateurs sont si nombreux. Cette opinion n’est guère motivée. En réalité, les établissemens d’instruction primaire et les écoles secondaires supérieures ont été fondés en Allemagne par l’initiative de l’état et sont maintenus par son impulsion; plus que jamais ces établissemens et ces écoles reçoivent aujourd’hui un secours puissant des ministres de la religion. Qu’il y ait cependant une spontanéité remarquable dans la vie scientifique des universités allemandes, ce n’est point nous qui le contesterons. Nous ne nous arrêterons même pas à remarquer que cette puissante émancipation de l’esprit qui depuis la réforme a illustré l’Allemagne lui a donné en somme plus de théologie que de religion, plus de science que de volonté pratique. Nous avouerons sans peine qu’il y a dans ces universités une vive curiosité scientifique, une grande ardeur de recherches de toute sorte en l’absence de lois et de règlemens universitaires. L’étudiant en médecine par exemple s’y croit obligé de suivre dans les laboratoires des cours de chimie organique et d’histologie; le docteur en théologie y devient en même temps un philologue versé dans toutes les langues orientales. Nous sommes donc bien loin de dire qu’il n’y ait rien à emprunter à la libre organisation des universités allemandes; mais on se ferait illusion, si on y attachait une trop grande importance, et si on se laissait aller à croire que l’Allemagne s’écarte complètement des principes qui prévalent en France et en Angleterre. C’est toujours l’église ou l’état, suivant l’esprit national et avec les différences propres à chaque peuple et à ses traditions, qui fonde et soutient les institutions d’enseignement.

Que devra faire l’Italie ? Si nous regardons le passé, nous voyons qu’il n’a jamais existé dans aucun des états qui la composaient, à part le Piémont, une organisation des études proprement dite, que