Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 47.djvu/710

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pour être mises en culture. Les produits de cette exploitation jouiront du privilège de libre exportation, sans droits de sortie, et les propriétés de la compagnie seront exemptes d’impôts. Le fonds social est fixé à 50 millions; mais, par une sage réserve, il n’a été créé tout d’abord que 6,000 actions de 500 fr., réparties entre les fondateurs, avec l’interdiction de les mettre en circulation jusqu’à nouvel ordre. Avant d’appeler le public à participer à son entreprise, la compagnie a voulu apprécier par elle-même et aux risques et périls de ceux qui étaient à sa tête les chances de succès qu’elle pouvait avoir. Elle a mieux aimé conserver intacte sa responsabilité que bénéficier des primes que la notoriété financière de ses membres et la protection officiellement déclarée du gouvernement semblaient lui assurer. Elle a fait partir sur le vaisseau qui portait le commandant Dupré une commission d’ingénieurs des ponts et chaussées, d’ingénieurs dés mines, d’agriculteurs, de savans, chargée d’explorer le territoire de Madagascar et d’étudier sur place l’œuvre de colonisation qu’il s’agit d’accomplir. Cette commission serait-elle obligée de revenir sans avoir rempli sa tâche? Ce que l’on connaît de la situation du nouveau gouvernement et du caractère même des Hovas permet de croire qu’il n’en sera pas ainsi. La reine Ranavalo elle-même, malgré les mesures les plus tyranniques, n’a pu maintenir dans les dernières années de son règne les prohibitions contre les étrangers. L’influence civilisatrice s’est comme infiltrée dans son gouvernement. Des missionnaires avaient réussi à pénétrer jusque dans sa cour, et des entreprises industrielles et agricoles dirigées par des Français s’étaient constituées avec sa participation. Ce mouvement, né sous son règne et malgré les obstacles qu’elle lui suscitait, ne s’arrêtera plus, on peut hardiment le prédire, quels que soient les accidens qui paraîtront devoir le suspendre. Notre confiance à cet égard se fonde sur une particularité des mœurs et du caractère des Hovas. Depuis le souverain jusqu’au plus humble de ses sujets, ils ont tous un goût très prononcé pour le commerce, qui se traduit actuellement en une grossière cupidité. Chez eux, aucun employé civil, aucun militaire n’est salarié. Il faut que ceux qui servent administrativement ou dans l’armée pourvoient par eux-mêmes à leur existence et à celle de leur famille. Aussi les uns cultivent la terre, les autres, et c’est le plus grand nombre, se livrent à une sorte de troque des produits du sol ou se chargent de les faire transporter sur le littoral. Les chefs qui commandent sur les côtes touchent la part la plus considérable de ce trafic et y emploient les troupes sous leurs ordres. Le gouvernement lui-même, tout en proclamant la prohibition du commerce avec les étrangers, y dérogeait à chaque instant pour s’assurer des revenus